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ISSN 2753-4812
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Conseils pour arrêter de consommer de la viande

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Conseils pour arrêter de consommer de la viande

de Nyala Péma Dündul (1816-1872)

Lorsque je songe aux souffrances induites par la consommation de viande,
Je ne peux le supporter et mon cœur ressent douleur et détresse.
Om mani padmé houng hrih !

Expression de la vacuité et de la compassion, guide des êtres,
Ô Noble Avalokiteshvara, je vous rends hommage.

Sans m’être entraîné moi-même à l’amour et à la compassion,
Je mangeais la chair de mes mères alors que j’enseignais les causes et leurs effets.
Sans réaliser l’absolu, j’errais sur le chemin des mots vides de sens.
Moi, le mendiant du Blanc Rocher, semblable à un perroquet,
Je pratiquais l’ascèse et ‘extrayais les essences.’

Puis, un jour, alors que je méditais sur le seigneur Avalokiteshvara,
En suivant l’union des stades du Khanyam Rangdröl,[1]
Mon corps et tout ce qui m’environnait disparurent subitement,
Se transformant dans le corps de lumière du Grand Compatissant,
Qui apparut en vision dans le ciel face à moi.

Comme je le contemplais dans l’état de claire lumière de ma conscience éveillée,
Je vis les inconcevables misères des mondes inférieurs
Et tout spécialement les immenses souffrances de l’enfer des résurrections.
Je vis en particulier que l’un de ses quartiers était entièrement rempli
D’hommes et de femmes, nus et sans défense, et devant chacun d’eux
Se tenait une foule d’acolytes à la mine sinistre, dont les têtes
Ressemblaient à des oiseaux, des animaux et des bêtes féroces.
Beaucoup d’entre eux tenaient des armes acérées dans leurs mains,
Avec lesquelles ils découpaient leurs victimes et mangeaient leur chair.
Encore et encore ils débitaient leur chair et chaque fois elle se reconstituait.
Les victimes ne mouraient pas tant que leur karma n’était pas épuisé
Et leurs propensions habituelles ne diminuaient pas mais ne faisaient que s’accroître.
Le sort de ceux qui avaient conduit des rituels sanglants était pire encore :
Tous poussaient des hurlements perçants de douleur et d’agonie.
En voyant toutes ces manifestations extérieures de mes propres perceptions,
Je me suis dit : « que pourrai-je faire pour mettre fin à ces souffrances ? »
À cet instant précis, dans le ciel face à moi,
Apparut alors le Grand Compatissant, qui eut ces mots :
« Ema ! mon fils, nous sommes reliés depuis de si nombreuses vies.
Maintenant, écoute bien, toi qui es diligent et déterminé !
Tu as reçu des enseignements sur le stade de création du yoga de la déité
Et tu as même développé quelques qualités.
Mais la racine du Dharma réside dans la l’amour-tendresse et la compassion.
As-tu en toi un véritable amour et une véritable compassion ?
Comment quelqu’un entraîné à la compassion pourrait-il manger de la viande ?
Observe simplement combien la nourriture carnée entraîne de souffrances !
Personne d’autre que nous nous fera l’expérience des résultats de nos actes
Et les bouddhas des trois temps ne peuvent rien y faire.
Manger de la viande est dépourvu de toute vertu et induit tant de problèmes.
C’est la source des quatre cents types de maladies,
Des quatre-vingt mille forces créatrices d’obstacles comme des quatre-vingt-quatre mille émotions négatives.
À part lorsqu’elle fait partie des ‘pratiques intrépides’ de ceux qui aident tous ceux qu’ils rencontrent,
Ou s’il s’agit d’un médicament ou d’une substance sacrée des suprêmes mantras secrets,
La consommation de chair n’apporte pas la moindre once de vertu.
Puisque les consommateurs de chair sont soit des maras soit des démons rakshasha,
Ta discipline ne fera que péricliter et tes émotions négatives augmenteront.
Il te manquera la cause, qui est l’amour altruiste et la compassion,
Et il te sera donc difficile d’atteindre le fruit, l’essence de l’éveil.
Les mangeurs de viande ne seront pas accompagnés des déités de sagesse,
Il leur manquera bénédictions, siddhis, auspicieuse interdépendance et l’accomplissement des activités.
L’essence de l’altruisme ne se développera pas chez les consommateurs de chair,
Dieux et nagas les considèreront probablement comme des démons.
Les mangeurs de viande seront entourés de gandharvas, rakshasas et maras,
Maîtres de la mort, fantômes, esprits, gyalgongs et démons briseurs de samaya.
Le résultat est que manger de la viande conduira à renaître dans les enfers,
Ou en tant qu’oiseau, chacal ou démon cannibale.
De cette manière, la consommation de viande amène avec elle d’infinies souffrances
Mais en y renonçant, vous deviendrez libres de toutes ces fautes
Et vous serez toujours vénérés par les êtres non-humains,
Lesquels vous verront comme un pur brahmane ou un dieu.
Tous les bouddhas et les bodhisattvas des dix directions,
Les maîtres, les déités tutélaires et les dakinis s’assembleront autour de vous comme des nuages
Et vous serez accompagnés par les bodhisattvas masculins et féminins.
De manière toute naturelle, vous détiendrez la cause de l’amour et de la compassion
Et vous atteindrez promptement le résultat qui est l’essence de l’éveil.
Ce sont seulement quelques-unes des inconcevables vertus à obtenir. »
Ainsi parla-t-il et une fois que j’eus recouvré mes perceptions,
J’eus l’impression d’émerger d’un rêve lucide.
Mon esprit et mon corps éprouvaient une intense douleur, comme si j’avais absorbé du poison
Et j’étais si effrayé et paniqué que j’en avais des tremblements.
Obnubilé par les terribles souffrances de l’enfer des résurrections,
Je ne pouvais plus qu’échanger mon bonheur contre la douleur des autres.
Mon esprit était si bouleversé que je ne pouvais rien faire d’autre que pleurer
Et je ressentais une intense, une insupportable compassion.
Alors, afin de prendre sur moi les souffrances d’autrui
Et afin de purifier leurs fautes comme leurs obscurcissements dus à la consommation de viande,
Pour chacun des êtres vivants, mes mères en nombre aussi illimité que l’espace,
Je fis le vœu suivant, véridique selon les deux niveaux de la réalité :
« Aho ! puissant sage Shakyamouni et vous tous, bouddhas et bodhisattvas existant à travers le temps et l’espace,
Ayez compassion pour cet enfant qui ne savait rien des causes et de leurs effets !
Bienveillant Lamas-racine et maîtres du lignage, prenez soin de moi !
Ayez compassion pour cet enfant qui ne savait rien des causes et de leurs effets !
Suprême déité personnelle, puissant Avalokiteshvara, prenez soin de moi !
Ayez compassion pour cet enfant qui ne savait rien des causes et de leurs effets !
Submergé par l’ignorance et les deux obscurcissements,
J’ai souvent évoqué le fait que tous les êtres en nombre infini furent nos parents
Et alors même que je vivais aux dépens de leur chair, je parlais aux autres des causes et des effets.
Que la souffrance engendrée soit si grande, je n’en avais aucune idée.
J’ai souvent entendu dire que manger de la viande ‘trois fois pure’[2]
Est autorisé par le Bouddha et ne constitue pas une action négative.
Mais ceux qui disent cela doivent être des saints qui font le bien de tous ceux qu’ils rencontrent,
Comme de pures fleurs de lotus, non souillées par les émotions négatives,
Ou encore des pratiquants de la voie profonde des mantras secrets.
En ce qui me concerne, je n’ai aucune instruction plus profonde
Que l’amour altruiste, la compassion
Et l’infaillibilité de la loi des causes et de leurs effets.
Afin de purifier toutes les fautes et tous les obscurcissements engendrés par la consommation de viande
Chez tous les êtres vivants qui peuplent l’espace entier,
À partir de maintenant, je renonce complètement à manger de la chair.
Ceci sera mon engagement indéfectible et je ne le laisserai jamais s’échapper.
Même si tous les animaux de la terre étaient mangés,
Il n’y aurait toujours pas de réelle satisfaction, la faim ne ferait qu’augmenter.
Et si nous ne trouvons rien à manger ou à boire pendant quelques jours seulement,
Nous avons l’impression de n’avoir jamais goûté la moindre nourriture auparavant.
Maintenant, il est temps d’échapper à ce démon de la faim.
D’où vient cette chair, de toute façon ?
Elle provient uniquement de la saisie d’un ego et de l’attachement.
Le simple fait de songer à cela m’épuise et me donne la nausée.
Cet amas peu ragoûtant de saleté et d’immondices
Est contaminé par les trente-six substances impures.
Un corps né des schémas habituels est la base de la souffrance
Et nombre d’animaux ont un karma si négatif
Que quiconque mange de leur chair aura du mal à atteindre la libération.
Le Bouddha a dit que la viande et l’alcool sont des cadeaux impurs
Et que les offrir ne peut être considéré comme de la générosité.
Qui mangerait donc de cette nourriture de malheur ?
Les prétas vivent durant des milliers d’années humaines
Sans voir ni nourriture ni boisson et n’expérimentent que de la souffrance.
Mais les êtres humains que nous sommes peuvent au moins boire de l’eau froide
Et ne manquent pas de nourritures et de boissons en dehors de la viande et de l’alcool.
Si nous n’y trouvons encore aucune satisfaction,
Comment pourrions-nous rendre si injustement la bonté qui nous fut accordée dans le passé ?
Tout au long des innombrables ères cosmiques passées,
Dans chaque monde de cet univers aussi vaste que l’espace lui-même,
Il n’est pas un seul être qui n’ait été notre propre mère.
Et le lait maternel que nous avons bu remplirait un milliard d’océans.
Maintenant, j’abandonne tout faux-semblant et prends les Trois Joyaux à témoin :
Autrefois, sous l’emprise de l’ignorance et des schémas habituels,
J’ai mangé la chair de mes parents et ne l’ai pas confessé avec remords.
Aujourd’hui, avec une pure motivation qui inclut les quatre forces,
Comme dans l’expression « je n’ai pas été, je ne suis pas et ne serai pas attaché, »
Que la pensée de nourriture carnée ne me vienne désormais plus jamais à l’esprit
Et que les Trois Joyaux m’envoient leur punition si je me nourris de viande !
Que les protecteurs et gardiens m’observent à tout instant !
Désormais, si je devais manger la chair de mes mères de jadis,
Nul dans les trois mondes ne commettrait une si grave transgression.
Le Bouddha a dit que nuire à autrui, même légèrement, détériore nos vœux.
Aussi, est-il nécessaire de mentionner la consommation de viande, qui s’apparente à l’acte de tuer ?
Dans le Parinirvana Soutra, le Lankavatara et ailleurs encore, il est dit
Que manger de la viande équivaut à ôter la vie,
Et c’est interdit à la fois dans le grand et dans le petit véhicule
Et en particulier pour un bodhisattva.
Notre instructeur lui-même, lorsqu’il se manifesta en tant que perdreau,
Ou comme une bête féroce[3] à l’état sauvage n’aurait pas mangé de viande.
Alors, comment ceux qui le suivent le pourraient-ils eux-mêmes ?
Conformément à l’exemple donné par le Bouddha en personne,
Nombre de grands maîtres d’Inde et du Tibet y ont renoncé également.
Ainsi donc, les vices [de la consommation de viande] dépassent tout ce que l’on peut imaginer.
Ne pas cultiver ce qui est négatif est en soi une authentique pratique du Dharma.
Aussi, puissé-je toujours être en harmonie avec les enseignements authentiques !

En voyant les innombrables fautes qui découlent de la consommation de viande,
Le simple fait d’y songer me rend malade, comme si j’avais été empoisonné.
Moi donc, le grand mendiant qui porte le nom de Dündul,
Ai écrit ces mots m’instruisant d’y renoncer moi-même,
À l’ermitage de la citadelle céleste du blanc rocher.
Que les résultats de cette vertu purifient toutes les fautes et tous les obscurcissements
Issus de la consommation de viande chez tous les êtres sensibles
Afin qu’ils puissent voir les mille bouddhas face à face !

| Traduit par Jean-François Buliard (Tsering Thondup).


  1. Liberation Spontanée Égale à l’Espace.  ↩

  2. ]Vous n’avez pas vu ou  entendu quoique ce soit qui puisse indiquer que cette viande vient d’un animal tuer pour vous, et vous n’avez de plus aucun doute que ce soit le cas.  ↩

  3. Références aux vies passées du Bouddha, telles qu’elles nous sont racontées dans les « Jatakas ».  ↩

Nyala Pema Dündul

Nyala Pema Dündul

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