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ISSN 2753-4812
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Introduction au Grand trésor dharmique des ḍākinī

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Introduction au Grand trésor dharmique des ḍākinī

par Sarah Jacoby et Padma 'tsho

Le Grand trésor dharmique des ḍākinī (mkha' 'gro'i chos mdzod chen mo), publié en tibétain en 2017, est la plus grande anthologie de textes composés par des femmes bouddhistes ou se rapportant à des figures bouddhistes féminines jamais compilée en langue tibétaine. L’ensemble compte 53 volumes. Les créatrices de ce précieux trésor font partie d’un groupe de nonnes tibétaines ayant reçu une éducation classique à la plus grande institution monastique bouddhiste du monde, Laroung Gar, dans la région de Serta, au Tibet oriental. Le Grand trésor dharmique des ḍākinī est le fruit de l’engagement indéfectible de ces érudites cléricales envers la préservation et la promotion des enseignements et des récits de vie de leurs prédécesseures bouddhistes. C’est l’une des publications les plus stimulantes du Tibet moderne, parce qu’elle contient une pléthore de textes jusque-là inconnus et non traduits, couvrant une myriade de genres, ce qui nous permet notamment d’approfondir et de diversifier notre connaissance des déités et figures historiques féminines. Le contenu du Grand trésor dharmique des ḍākinī couvre deux millénaires, nous fait traverser l’ensemble du plateau tibétain et, dans une optique non sectaire, célèbre des femmes qui ont pratiqué dans toutes sortes de lignées bouddhistes.

On y trouve des récits sur les premières nonnes indiennes tirés de sources canoniques bouddhistes, y compris les Vinaya et Sūtras. Il y a aussi des descriptions d’un grand panthéon de déités féminines du Mahāyāna ; la plupart sont issues du bouddhisme indien et népalais, mais quelques-unes proviennent du canon chinois. Cependant, la majorité des volumes sont constitués de biographies et d’enseignements de femmes au Tibet, allant des reines impériales aux nonnes médiévales et modernes, en passant par diverses yoginī et ḍākinī. Si les premiers volumes de la collection contiennent des écritures canoniques et d’autres sources anciennes qui ne sont pas signées, on connaît les auteurs de la plupart des textes qui furent composés à partir du 12e siècle.

Les 53 volumes du Grand trésor dharmique des ḍākinī sont divisés en quatre parties. 1) La section appelée « Une guirlande de lotus blancs » comprend les volumes 1 à 18 et inclut des biographies de femmes bouddhistes indiennes, tibétaines et chinoises. 2) La section suivante, « Le trésor du cœur des ḍākinī des trois kāya », est constituée des volumes 19 à 49 ; elle inclut les œuvres réunies de diverses maîtresses tibétaines, dont Jetsün Mingyour Paldrön (1699–1769), Séra Khandro Kounzang Dékyong Wangmo (1892–1940), Do Dasel Wangmo (1928–2018) et Khandro Tāré Lhamo (1938–2003), de même qu’une variété d’enseignements religieux. 3) Le volume 50, appelé « Précieux coffre au trésor », est une collection de textes à la gloire de déités féminines, telles que Tārā, Sarasvatī et Kurukullā, de même que de maîtresses humaines comme Machik Labdrön. 4) La dernière section, appelée « Une lanterne illuminant le chemin de la libération », est constituée des volumes 51 et 52, lesquels réunissent des conseils pour des femmes écrits par différents maîtres masculins. Le 53e et dernier volume contient la préface et la table des matières intégrale (Padma’tsho et Jacoby, 2021). Ces sources documentent la vie de grandes pratiquantes accomplies, monastiques et non monastiques, et font contrepoids à une vision autobiographique et historique du Tibet qui a longtemps privilégié les figures masculines. Les enseignements subsistants de ces femmes accomplies, de même que les conseils offerts à des femmes par des maîtres réputés, font partie intégrante de ce Grand trésor, comme autant d’enseignements religieux précieux, dignes d’avoir été couchés par écrit et méritants d’être préservés pour la postérité.

Les nonnes tibétaines qui ont compilé le Grand trésor dharmique des ḍākinī ont décrit à Padma’tsho les inspirations et motivations qui les ont poussées à créer une collection si extraordinaire. Nous avons ainsi appris qu’en 2011, sept nonnes tibétaines de Laroung Gar ont formé un groupe éditorial (le Larung Ārya Tāre Book Association Editorial Office) nommé d’après Tārā, bouddha féminin. Le premier point à l’ordre du jour de cette association naissante fut de trouver des textes bouddhistes tibétains écrits par des femmes ou concernant des femmes. Ce travail fut ardu, parce que les nonnes impliquées devaient l’accomplir dans leurs temps libres, entre leurs engagements premiers à l’égard de l’étude de la philosophie bouddhiste, de l’exécution de rituels et de la récitation de prières. La recherche des manuscrits tibétains existants fut aussi exigeante en ce que les nonnes durent se rendre aux quatre coins du Tibet. Dans bien des cas, elles ne purent trouver qu’un unique exemplaire, pas toujours entier, et souvent écrit avec une orthographe archaïque ou irrégulière. Une fois que les nonnes eurent réussi à recueillir tous ces textes, un autre défi les attendait. Aucun de ces textes n’était numérisé. Les nonnes durent donc apprendre par elles-mêmes à utiliser des ordinateurs, puis retranscrire les manuscrits pour en faire des fichiers numériques. Ces efforts ont initialement abouti à une série de 16 volumes publiée en 2013, la toute première anthologie non sectaire de textes par et sur des femmes bouddhistes jamais publiée au Tibet. Cette première anthologie était intitulée La Guirlande de lotus blancs : Biographies des grandes maîtresses de l’Inde et du Tibet. Les nonnes de Laroung Gar continuèrent de trouver des textes, si bien que leur anthologie prit plus d’ampleur, comme en témoigne la version en 53 volumes publiée en 2017.


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Lectures complémentaires

Bla rung ārya tāre’i dpe tshogs rtsom sgrig khang, ed. 2013. ’Phags bod kyi skyes chen ma dag gi rnam par thar ba pad+ma dkar po’i phreng ba (Garland of White Lotuses: The Biographies of the Great Female Masters of India and Tibet). Lhasa: Bod ljong bod yig dpe rnying dpe skrun khang, 16 vols.

Bla rung ārya tāre’i dpe tshogs rtsom sgrig khang, ed. 2017. Mkha’ ’gro’i chos mdzod chen mo (Ḍākinīs’ Great Dharma Treasury). Lhasa: Bod ljongs bod yig dpe rnying dpe skrun khang, 53 vols.

Brallier, Joshua. 2023. “Conference Report: The Second Lotsawa Workshop, ‘Celebrating Buddhist Women’s Voices in the Tibetan Tradition.’” Journal of Tibetan Literature 2 (1): 217-27. (https://doi.org/10.58371/jtl.2023.57.)

Jacoby, Sarah. 2023. “Lotsawa Workshop: Celebrating Buddhist Women’s Voices in the Tibetan Tradition.” Sakyadhita 31, Winter 2023: 1–2. (https://sakyadhita.org/assets/Newsletters/pdfs/2023%20Sakyadhita%20Newsletter.pdf)

Padma ’tsho and Sarah Jacoby. 2020. “Gender Equality in and on Tibetan Buddhist Nuns’ Terms.” Religions 11(10): 543 (https://doi.org/10.3390/rel11100543).

Padma ’tsho and Sarah Jacoby. 2021. “Lessons from Buddhist Foremothers.” In Voices from Larung Gar: Shaping Tibetan Buddhism for the Twenty-First Century, edited by Holly Gayley, 219-233, Boulder: Snow Lion.


| Introduction traduite en français, à partir de l’anglais, par Vincent Thibault (2025).


Version : 1.0-20250409


Yéshé Tsogyal

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