L’essence de l’esprit
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L’essence de l’esprit
par Mipham Rinpoché
Namo Guru Mañjuśrīye!
La véritable nature des choses est inconcevable et inexprimable. Cependant, pour les personnes fortunées qui cherchent à pénétrer le sens profond de la dharmatā, je vais ici offrir quelques mots à titre illustratif.
Ce qu’on appelle « l’essence de l’esprit » est le véritable visage de la présence éveillée, pure et inconditionnée, que l’on reconnaît grâce aux bénédictions et aux instructions du guru. Si vous vous demandez à quoi cela ressemble : c’est vide en essence, au-delà des références conceptuelles; connaissant par nature, spontanément présent; omnipénétrant et libre d’entraves dans son énergie compatissante. C’est le rigpa dans lequel les trois kāyas sont inséparables.
C’est donc comme l’a dit le vidyādhara Garab Dorjé dans son Testament final :
Ce rigpa, qui n’a pas d’existence concrète en tant que quoi que ce soit,
N’est aucunement limité dans la manifestation de ses propres expressions.
Pour résumer : la véritable nature de l’esprit – son mode d’être naturel, primordial – est cette présence éveillée pure et innée qui n’est pas fabriquée ni restreinte.
Quand on l’explique en ayant recours à des négations :
- Ce n’est pas quelque chose à appréhender;
- Ce n’est pas non plus un néant inexistant;
- Ce n’est pas une combinaison de ces deux options;
- Ce n’est pas non plus une troisième option qui ne serait ni l’une, ni l’autre.
C’est la vue de l’absence de toute existence identifiable, le fait qu’on ne puisse la conceptualiser de quelque façon que ce soit en pensant, « C’est comme ceci. »
Quand on l’explique de façon plus affirmative ou en termes d’expérience, on dit que c’est manifestement vide, d’une clarté lucide, d’une pureté éclatante, totalement ouvert, et ainsi de suite.
Voici quelques métaphores pour l’illustrer : sans limites ni centre, c’est comme l’espace; dans sa clarté illimitée, c’est comme la lumière du soleil qui inonde le ciel; sans [distinction] claire entre intérieur et extérieur, c’est comme une boule de cristal; libre de saisie et d’attaches, c’est analogue aux traces d’un oiseau en plein vol; sans production ni cessation, c’est comme le ciel.
Pour dissiper tout doute ou malentendu à l’égard de cette instruction, on décrit encore [l’essence de l’esprit] comme la grande clarté au-delà de toute partialité; comme la grande vacuité libre des références conceptuelles; comme la grande union qui ne peut être séparée, et ainsi de suite.
Pour ce qui est de sa signification : comme on ne peut la signaler par des mots, elle est indicible; puisqu’on ne peut la connaître à partir des modes ordinaires de la conscience, elle est inconcevable; et comme elle ne verse dans aucun extrême, elle est libre d’élaborations. En fin de compte, elle est au-delà de toute expression, telle que « c’est tout et chaque chose », « ce n’est pas tout », « elle contient tout », « elle ne contient pas tout », et cetera. Cela demeure une expérience individuelle de présence éveillée qui se connaît elle-même.
Les noms utilisés pour l’illustrer sont « pureté primordiale » (ka dag) et « présence spontanée » (lhun grub). Quand on résume : « l’unique sphère de la sagesse naturelle et spontanée qui englobe tout » (rang byung ye shes thig le nyag gcig).
Puisque c’est le pinacle en fait de qualités, c’est aussi la perfection de sagesse transcendante (prajñāpāramitā), et ainsi de suite.
Symboliquement, on peut la révéler en ayant recours, entre autres, au soleil, ou à une loupe, ou à une boule de cristal, ou à un doigt pointant dans l’espace…
Quand tu tiens un joyau précieux au creux de ta main,
Pourquoi te mettrais-tu en colère même si d’autres le rejetaient ?
Pourquoi donc t’emporterais-tu face aux critiques, pour peu
Que tu ne perdes pas ta connexion avec ces instructions –
Le pinacle du Dharma –, et que tu jouisses de ta bonne fortune ?
Par Mipham.
| Traduit en français par Vincent Thibault (2024) sur la base de la version anglaise d’Adam Pearcey (2016), qui remerciait Alak Zenkar Rinpoché pour son aide.
Bibliographie
Édition tibétaine
Mi pham. "sems kyi ngo bo." In Mi pham gsung 'bum. 32 vols. Chengdu: Gangs can rig gzhung dpe rnying myur skyobs lhan tshogs, 2007. Vol. 32: 368–370.
Version : 1.0-20240618