La maison des traductions du bouddhisme tibétain
ISSN 2753-4812
ISSN 2753-4812

Yeshé Saldrön

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La lampe qui éclaire la sagesse (Yeshé Saldrön)

Un guide de la pratique du Guru Yoga

Par Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

Namo guru jñānakāya ![1]

Par ton corps de sagesse pareil à un soleil resplendissant
Tu dissipes les ténèbres de l'illusion dans les trois mondes du saṃsāra.
Des trois Joyaux et des trois Racines infinis, tu es l'incarnation et le visage même ;
Seigneur universel, glorieux guru, avec dévotion et révérence, je te rends hommage.

La grande voie secrète de tous les bouddhas, rapide et directe,
Est le Guru Yoga, l'essence même du cœur.
Je vais brièvement révéler cette Lampe qui éclaire la sagesse
La quintessence des points profonds issus des tantras, des āgamas et des upadeśas.

I. Explication générale du Guru Yoga

Celui qui confère la transmission de pouvoir complète dans l'un des grands maṇḍalas ou qui transmet les trois types de vœux, mais en particulier celui qui présente directement la sagesse authentique, n'est autre que le guru racine.

Si vous pouvez le ou la[2] prier du plus profond de votre cœur avec une foi et un lien de samaya libres de toute hypocrisie ou duplicité, il ne fait aucun doute que vous recevrez des bénédictions.

Il existe trois façons de prendre à cœur la pratique du Guru Yoga, liées aux trois capacités de l'individu : suprême, moyenne et de moindre capacité.

La personne de capacité moindre reconnaît que le guru, le guide suprême qui fait preuve d'une si grande bonté, est l'incarnation en un seul être de tous les bouddhas et bodhisattvas et qu'il se manifeste sous l'apparence ordinaire d'un ami spirituel pour nous montrer le chemin. Si le disciple peut vraiment s'appliquer à le respecter, à lui faire des offrandes et à le prier avec une dévotion et une foi ardentes, sans hypocrisie ni malhonnêteté, alors la bénédiction du guru sera transmise à son esprit, par la nature même de l'interdépendance, tout comme la forme de la lune se reflète dans un récipient d'eau claire et tranquille. Ainsi, pratiquer et accomplir le guru en tant que nirmāṇakāya, c'est imaginer le guru dans l'espace devant soi et méditer sur son apparence ordinaire ou sous la forme visualisée de Guru Padmākara ou encore sous la forme de celui ou de celle qui suscite en nous de la dévotion.

Celui ou celle dont l'esprit est vaste aura la conviction ferme et inébranlable que les corps, parole et esprit secrets du guru ont toujours été spontanément parfaits en tant que maṇḍala des trois vajras. Avec cette certitude, il ou elle reconnaît que la manifestation de la nature authentique de son propre esprit apparaît comme le guru sous des formes paisibles ou courroucées et il médite sur ces formes à l'aide de la pratique des quatre branches de l'approche et de l'accomplissement. C'est la pratique et l'accomplissement du guru en tant que saṃbhogakāya.

Celui ou celle dont l'esprit est encore plus vaste peut demeurer dans la claire lumière de sa propre présence éveillée, qui est au-delà de la dualité sujet-objet et transcende toute caractéristique, symbole ou expression. Non née, elle est le dharmakāya ; incessante elle est le saṃbhogakāya ; ne résidant nulle part, elle est le nirmāṇakāya. Ces trois kāyas sont indivisibles dans notre propre rigpa, qui est l'essence même de la grande félicité, et le laisser tel quel, naturellement sans rien faire, sans effort ni saisie, est la pratique et l'accomplissement du guru en tant que dharmakāya, la pratique secrète.

Tant que la pratique implique les pensées, les concepts et l'effort, qu'il s'agisse du Guru Yoga ou de toute pratique de développement ou de complétion, il s'agit d'une pratique ordinaire ou commune et c'est là le point essentiel. Mais une fois l'esprit délibérément dissous dans l'espace de la dharmatā, demeurer dans la confiance du rigpa-vacuité dans toute sa nudité rendra votre méditation extraordinaire et extrêmement profonde, que vous méditiez sur le Guru Yoga ou sur quoi que ce soit d'autre.

Ce n'est pas seulement en ce moment précis, maintenant, que le lama racine nous accompagne. En fait, puisque le guru est la manifestation de la vraie nature de notre esprit, apparaissant extérieurement sous toutes sortes de formes, pures et impures, nous n'avons jamais été séparés dans aucune de nos vies depuis des temps immémoriaux et il nous aide constamment, directement ou indirectement, en nous témoignant une grande bonté.

A présent, grâce à tous les mérites que nous avons accumulés dans le passé, le guru a pris la forme de notre ami spirituel et cette puissante connexion karmique nous a permis de le rencontrer. Il nous a donné le nectar des instructions vastes et profondes et nous a embrassés dans son immense bienveillance. Désormais et jusqu'à l’Éveil, il ne sera jamais séparé de nous, même pour un instant.

Toutefois, si des fautes venaient ternir notre samaya, alors tout comme la lune ne se reflète pas dans une eau trouble ou agitée, il peut sembler qu'une séparation existe. Mais cette erreur provient uniquement de notre propre esprit et il n'est jamais question de distance de la part du maître.

Quelle que soit la façon dont vous voyez le guru - être ordinaire, śrāvaka, pratyekabuddha, arhat ou bodhisattva sur les voies de l'apprentissage ou sur la voie où il n'y a plus rien à apprendre, vous recevez l'accomplissement correspondant. Si vous considérez le guru comme une personne ordinaire, il vous sera très difficile d’approcher des siddhis en général et en particulier de la sagesse primordiale de la vraie nature de l'esprit.

C'est pourquoi nous devons comprendre comment demeurent les trois secrets du guru. Le corps du guru de la sagesse immaculée, naturellement manifestée, est le principe universel qui imprègne tout le saṃsāra et le nirvāṇa, l'existence et la paix. Ses canaux subtils sont le nirmāṇakāya, ses souffles internes sont le saṃbhogakāya et ses gouttes essentielles sont la grande félicité du dharmakāya. Ces trois kāyas indivisibles constituent le svabhāvikakāya. Quant à l'esprit de sagesse du guru, la présence naturellement éveillée, son essence vide est le dharmakāya ; sa nature connaissante est le saṃbhogakāya ; et son énergie de compassion, la présence éveillée, est le nirmakāya.

En bref, cette indivisibilité des quatre kāyas révèle toutes sortes d'émanations paisibles et courroucées, une variété d'apparitions magiques pour éduquer chaque disciple à la manière qui lui correspond. Elle se manifeste sous la forme d'actions éveillées habiles pour guider l'océan infini des êtres.

Plutôt que d'avoir simplement une vague impression qu'au niveau du sens définitif, le guru est la forme universelle qui personnifie les lamas, les déités yidam, les ḍākinīs, les protecteurs du dharma, les déités de la richesse et ainsi de suite, nous devons le ou la reconnaître comme l'incarnation de toutes les familles de bouddhas d'où émane l'infinité de tous les maṇḍalas des déités. Autrement, nous pourrions nous dire : "Mon guru est simplement un vieux moine sympathique, avec des qualités et sans aucun défaut. Mais les textes disent que le guru est un bouddha, alors je ferais mieux de l'imaginer comme tel".

Ce serait alors comme sortir un vagabond de la rue et l'habiller de vêtements raffinés.

Cette façon de penser n'est d'aucune utilité. Même si le Bouddha apparaissait en personne, un disciple qui se complaît dans des pensées erronées aurait du mal à le reconnaître.

De nos jours, des gens comme nous, à l'esprit indiscipliné, critiquent par exemple l'aspect physique du guru, le trouvant peu attrayant. Nous jugeons sa façon de parler peu élégante et lui trouvons de nombreuses imperfections, telles que des inexactitudes logiques, même dans son enseignement du Dharma. L'esprit du guru semble confus, totalement ignorant des affaires mondaines et spirituelles. À bien des égards, nous ne voyons pas grand-chose en lui de bon et nous lui trouvons surtout des défauts. Nous pouvons bien réciter du bout des lèvres : "Guru, Vajradhara...etc." et débiter bon nombre de prières de façon léthargique, routinière et insipide. Cela est tout à fait inutile et ne peut en aucun cas être qualifié de pratique authentique.

Voir le maître comme le Bouddha dès le début est difficile. C'est pourquoi vous devez commencer par cultiver la dévotion de manière un peu artificielle. Souvenez-vous de la bonté du guru, encore et encore. Comprenez que toute notion de faute n'est en réalité qu’une erreur qui vient de votre propre esprit. Ne les attribuez pas au guru. Si vous purifiez votre esprit, alors l'univers entier apparaîtra comme le guru. Si vous ne le purifiez pas, alors, tout comme une personne souffrant de jaunisse verra une conque jaune alors qu’elle est blanche, vous ne verrez que des défauts. La raison en est que votre foi et votre perception pure sont défaillantes.

De plus, lorsqu'il s'agit de reconnaître votre propre présence éveillée comme le lama du dharmakāya, le glorieux guru racine qui présente la vue, le mode d'être de la base, cela semble exister extérieurement. Mais en réalité, il s'agit simplement des apparences manifestées de la présence éveillée indivisible de la vacuité, projetées à l'extérieur. Le guru n'existe pas en dehors de vous et du courant de votre esprit.

L'essence de la vue consiste à reconnaître que rigpa qui se connaît lui-même, dans lequel le sujet et l'objet sont indivisibles, est inséparable du guru des trois kāyas. Demeurer dans cette vue, sans distraction et sans saisie est la méditation. Sans s'en écarter, prendre continuellement tout ce qui apparaît et tout ce dont vous faites l'expérience comme la manifestation du guru constitue l'action. Parvenir à l'éveil dans la pleine réalisation que votre rigpa est l'essence du lama constitue le fruit.

Ainsi, la base est la vue, le chemin est la méditation et le fruit est l'action, et si vous savez comment tous les pratiquer en tant qu'essence du guru, sans vous séparer de lui, vous aurez établi le pilier vital de la pratique du guru. Telle est la pratique de ceux dont l'esprit est naturellement enclin à rigpa. Les pratiquants aux capacités moyennes et moindres doivent méditer en prenant pour chemin la dévotion et l'aspiration.

Le gracieux guru racine est la forme de sagesse illusoire de tous les tathāgatas des dix directions et des quatre temps. Bien qu'il puisse se manifester sous la forme d'un individu ordinaire qui nous ressemble, son corps est le joyau du saṅgha. Le guru est donc pleinement doté des qualités non composées et non souillées de la connaissance et de la libération. Toutes ces qualités sont au complet en lui ou elle et il accomplit également les actions du saṅgha. Sa parole est un rassemblement inconcevable d'enseignements du dharma, puisqu'il détient la vérité du chemin en son esprit, le dharma de la transmission et qu'il a atteint le dharma de la réalisation, la vérité sacrée de la cessation. Grâce à sa connaissance et à son amour, le guru nous enseigne parfaitement et ainsi, l'activité éveillée de la parole du guru est également incessante. L'esprit du guru ne fait qu'un avec l'esprit de sagesse de tous les bouddhas. Cela est établi par les commentaires et les instructions essentielles, ainsi que par la logique et le raisonnement. Ce guru qui inclut ainsi l'ensemble des trois joyaux incarne en lui tous les maîtres des transmissions directes, par signes et orales. Du point de vue ultime de la nature de la réalité, ils sont inséparables, mais du point de vue relatif des phénomènes, de même que la lune dans le ciel peut se refléter dans une centaine de récipients d'eau, le guru est perçu de différentes manières selon les étudiants. Cependant, le guru incarne la sagesse unique de tous les bouddhas victorieux.

Par conséquent, le maître de vajra est celui qui nous accorde la transmission de pouvoir complète dans le maṇḍala et qui sème les graines qui mûriront notre esprit en l'essence des quatre vajras. Ce lama qui possède la triple bonté[3] incarne tous les autres gurus. C'est pourquoi, quel que soit le Guru Yoga que vous pratiquez, qu'il relève des nouvelles ou de l'ancienne tradition, il suffit de méditer sur son guru racine et il n'est pas nécessaire de méditer sur chaque maître individuellement.

Que vous preniez appui sur les trois racines, les dharmapālas ou les déités de richesse, si vous connaissez le point crucial de la méditation qui consiste à les pratiquer comme étant inséparables du lama, il est dit que les accomplissements seront proches et les obstacles peu nombreux.

Depuis la prise de refuge et l'éveil de la bodhicitta, quelle que soit votre pratique, que son activité d'éveil soit élaborée ou succincte, votre propre esprit est primordialement et intrinsèquement l'essence du guru, tandis que son aspect d'apparence se manifeste de façon incessante. La prise de refuge en est une bonne illustration. L'aspect connaissant de votre propre esprit est le rare et précieux Saṅgha ; son aspect vide est le Dharma et leur unité inséparable est le Bouddha. Le rayonnement de l'esprit se manifeste en tant qu'objets de refuge. Reconnaître que leurs nombreuses formes ont une saveur unique est l'essence du refuge, à la fois causal et résultant.

De même, engendrer la bodhicitta, créer la sphère de protection, se visualiser en tant que déité et ainsi de suite, tout cela doit être compris de cette même manière.

Quelle que soit la pratique de déité ou de mantra, si vous ne la fixez pas avec le clou de l'esprit de sagesse immuable, la grande égalité des deux vérités où tout concept de soi est inséparable de l'esprit du guru, il sera difficile d'accomplir la déité et le mantra, il sera impossible de parvenir au siddhi suprême et cela n’apportera pas d’accomplissement majeur.

C'est pourquoi reconnaître sa propre présence éveillée comme l'essence même du guru des trois kāya et des trois racines est un point crucial aussi vital. Comprendre qu’en prenant cela à cœur, toutes vos pratiques deviennent une forme de pratique du guru est un principe secret d’une importance capitale Lorsque vous méditez sur la voie profonde du Guru Yoga, rappelez-vous donc les points cruciaux et les instructions pour accomplir la pratique du maître sans jamais les oublier. Rappelez-vous sans cesse des bienfaits qui proviennent de l'accomplissement du guru et que tout chemin qui n'est pas lié à la pratique du guru vous détourne de l'obtention de siddhis. Ensuite, lorsque vous commencez à pratiquer le guru de sagesse, transformez votre esprit par le renoncement, entraînez votre esprit à la bodhicitta et reposez-vous dans la nature originelle de l'esprit, le rigpa-vacuité, la vue de la dharmatā. Sans vous laisser distraire, laissez les mots de la pratique en évoquer le sens et permettre aux apparences de la visualisation de se manifester sans entrave et de se transformer de manière appropriée. En revanche, si votre bouche et vos yeux sont distraits, vous agissez comme un perroquet dressé à réciter des mantras maṇi et cela ne vous sera d'aucune utilité.

Faites preuve d'une vigilance et d'une attention méticuleuses. Ne perdez pas l'essence de la pratique. Ne laissez pas les instructions s'échapper. Ne laissez pas la pratique au niveau de l'aspiration. Au contraire, restez sur votre siège et soyez stable. Pratiquez avec persévérance et développez une détermination et un véritable courage. Ne tombez pas dans les griffes des huit préoccupations mondaines, ou dans celles des discussions absurdes et des commérages, du sommeil et de la paresse.

Si vous renforcez votre dévotion et votre perception pure et si vous priez avec ferveur du plus profond de votre cœur, la bénédiction du guru sera invoquée très rapidement, comme aimantée par votre dévotion. La sagesse de vajra émergera avec une force considérable, cela ne fait aucun doute.

Les quatre pouvoirs condensent les catégories de transmissions du yoga le plus élevé du Vajrayāna. Lorsqu'ils sont pratiqués sur la voie, ils sont au complet au sein du Guru Yoga de la manière suivante :

  • Visualiser la forme du guru comme l'incarnation du vajra des "trois sièges" est la transmission de pouvoir du vase.
  • Reconnaître la nature du guru comme étant la connaissance et la vacuité est la transmission de pouvoir secrète.
  • En méditant sur cela, la sagesse de la félicité et de la vacuité s'élèvera dans votre esprit et ceci est la transmission de pouvoir de la sagesse-connaissance.
  • Ensuite, en reconnaissant que le guru et votre propre esprit sont inséparables, demeurer dans cet état inexprimable qui transcende l'esprit ordinaire constitue la quatrième transmission de pouvoir.

Il est également possible d'établir un lien avec les quatre étapes de l'approche et de l'accomplissement :

  • Méditer sur le guru au-dessus de votre tête et le prier est l’étape de l'approche (bsnyen pa).
  • Réciter le mantra qui invoque l'esprit de sagesse du guru est l’étape de l'approche intime (nye bsnyen).
  • Recevoir les transmissions de pouvoir est l'étape de l'accomplissement (sgrub pa).
  • Mêler l'esprit de sagesse du guru avec votre esprit est l'étape du grand accomplissement (sgrub chen).

En résumé, le yoga du guru peut être relié à toutes les phases de développement (bskyed rim) et de complétion (rdzogs rim) de la voie, mais ici nous n'entrerons pas dans trop de détails.

En bref, le Guru Yoga crée la structure de toutes les pratiques et les renforce, qu'elles soient avec ou sans attributs. Il constitue l'axe et la force vitale de la totalité du chemin car tous les aspects de la pratique y sont contenus. Lorsque vous demeurez dans l'équilibre méditatif, vous méditez sur le Guru Yoga. Et dans l'après-méditation également, vous intégrez les apparences, les sons et la conscience en tant que déploiement du guru.

En outre, les pratiques de la chaleur intérieure (toumo), du yoga du rêve, du corps illusoire, de la claire lumière, du transfert de conscience (p'owa) et de l'état intermédiaire (bardo) ne peuvent être accomplies que dans la sphère du Guru Yoga. C'est ce qui ressort clairement des textes d'instructions de la tradition ancienne et des traditions nouvelles.

Lorsque vous comprenez que toutes les pratiques pour cette vie-ci, la suivante et les états intermédiaires ne sont que la pratique du Guru Yoga et que vous la poursuivez avec diligence, vous possédez alors le remède unique qui guérit une centaine de maux, la panacée universelle.

C'est le guru qui confère toutes les transmissions de pouvoir de la base, du chemin et du fruit. Le pur guru, la nature de la présence éveillée de la base, se manifeste à l’extérieur comme l'expression d'une grande compassion sous la forme du maître de vajra.

A l'aide d'un maṇḍala de poudres colorées, d'une peinture sur tissu, de monticules de grains , du maṇḍala du corps ou de toute autre forme, il ou elle confère la transmission de pouvoir dans la phase causale, en fonction de la capacité du disciple et, par ce biais, éveille le potentiel de la base et sème les graines des quatre vajras.

Dans la phase du chemin, vous recevez la transmission de pouvoir, soit directement du guru, soit du maṇḍala des déités que vous visualisez pendant l'auto-initiation comme étant vous- même. Vous recevez également du guru les transmissions de pouvoir du samādhi, soit de façon brève, soit de façon élaborée.

Au moment du fruit, le grand Guru Vajradhara accorde la transmission de pouvoir résultante et vous confirme au niveau de Vajradhara.

Par conséquent, il n’y a rien qui ne dépende du guru.

N'importe quel domaine de connaissance mondain requiert l'enseignement d'un professeur ; de la même façon, toutes les voies des śrāvakas, pratyekabuddhas et bodhisattvas dépendent du précepteur et ami spirituel. Dans les tantras du Vajrayāna également, la transmission de pouvoir est reçue du guru et c'est en gardant correctement les samayas que les siddhis sont obtenus. Il en va de même dans le Yoga Tantra supérieur, en particulier lorsqu'il s'agit de reconnaître la sagesse primordiale de son propre esprit. Cela dépend entièrement de la bénédiction du guru, il n'y a pas d'autre méthode. Comme le dit la célèbre citation :

La sagesse primordiale innée de votre propre esprit est uniquement le fruit
De l'accumulation de mérite et de sagesse, des purifications des obscurcissements,
Et des bénédictions d'un maître accompli.
Sachez qu'il est stupide de s'en remettre à d'autres procédés.[4]

C'est une déclaration que l'on retrouve très souvent dans tous les sūtras, les tantras et traités. La façon de suivre un tel guru est d'avoir une intention totalement pure. Notre foi doit se construire sur une base logique ainsi que sur une dévotion stable et indifférente aux impulsions mentales.

La meilleure façon de plaire au maître est de lui offrir votre méditation et votre pratique avec une grande diligence et une application dévouée et constante. La façon intermédiaire est de le servir avec votre corps et votre parole. Et la façon inférieure est de le respecter et de lui faire des offrandes matérielles. Ne mécontentez pas le guru, ne serait-ce qu'un instant. En considérant tout ce qu'il ou elle dit comme valable et tout ce qu'il ou elle fait comme positif, purifiez votre façon de voir et recevez le nectar de l'instruction.

Le guru est comme un moule et l'étudiant comme une motte d'argile. Si vous pouvez devenir une réplique parfaite du moule, votre persévérance dans la pratique du Guru Yoga aura atteint son but. A l'inverse, tant que le guru vous offre des cadeaux, vous parle gentiment, vous prodigue des conseils et vous sourit, vous rayonnez de plaisir et prétendez avoir la foi. Mais dès que le guru fait quelque chose que vous n'aimez pas, vous réprimande, se montre mécontent ou contrecarre vos attentes, vous devenez irrespectueux. Beaucoup d'étudiants sont ainsi. Néanmoins, cela ne veut pas dire que le guru ne prend pas soin de nous avec compassion. Tout comme le soleil ne brillera jamais dans une grotte orientée au nord, notre comportement a ainsi rendu l'accès aux bénédictions extrêmement difficile.

Voici quelques citations profondes tirées des écritures qui montrent les points cruciaux du Guru Yoga :

Dans L'explication de la conduite, un tantra explicatif de Cakrasaṃvara, nous trouvons :

Grâce à la bonté du guru,
En un seul instant, la grande félicité s 'élève.

Le Saṃvarodaya dit :

Le guru est le Bouddha,
Le guru est le Dharma,
Et pareillement le guru est le Saṅgha.
Le créateur de toute chose est le guru :
Le guru est le glorieux hérouka.

Le Tantra de la Tente de Vajra (Vajrapañjara) dit :

Tous les bouddhas ont fait l'éloge
Du maître qui est l’enseignant,
Reconnaissez donc qu'il est
Pour nous tous comme un père et une mère.

Le Sūtra de l'océan salé dit :

Au cours de la dernière période de cinq cents ans, Je prendrai la forme de différents maîtres. Considérez qu'ils me sont identiques Et offrez-leur alors votre dévotion.

Le mahāsiddha Vajraghaṇṭāpāda a dit :

Il suffit que le guru accorde ses bénédictions,
Pour qu'instantanément elles vous parviennent.
Quant aux bénédictions cachées dans le Cakrasaṃvara
Elles s'élèvent, dit-on, par étapes graduelles.

Saraha a dit :

Celui dont le cœur est pénétré par les paroles du maître
Possède la vérité comme un trésor dans la paume de sa main.

Le Sûtra du rassemblement de toutes les intentions dit :

Comparé aux bouddhas d’un millier de kalpas,
Sachez que le plus important est le guru.
Qu'elle en est la raison ? C'est seulement en s'appuyant sur le guru
Que les bouddhas de tous les temps sont parvenus à l'Eveil.

Et :

Lorsque le maître confère une transmission de pouvoir, tous les bouddhas sont présents dans le guru qui accorde les bénédictions.
Grâce à cela, pour les quelques personnes qui le comprennent,
Je réside dans leur corps,
Et j'accepte les offrandes des autres pratiquants.
Ceux qui me réjouissent de cette façon
Purifient leur esprit des obscurcissements karmiques.

Le Tantra du Samaya Suprême dit :

Fidèles qui désirez ardemment l'accomplissement :
Contenter le maître est la source de tous les siddhis.

Le Tantra de la Réverbération du son (Dra Thalgyur) dit :

Suivre le maître engendre des qualités précieuses semblables à l'arbre qui exauce les souhaits, au joyau qui exauce les souhaits,
Ou à la vache magique qui pourvoit à tous les désirs.
Suivre le maître, c'est recevoir des qualités précieuses infinies.
Faites de lui le centre de votre attention et servez-le
Car cela mettra en déroute l'armée du saṃsāra.

Le Tantra de l'essence secrète (Guhyagarbha) dit :

Le guru est le seigneur de tous les maṇḍalas,
Aussi lui offrir les cinq richesses
Vaut une offrande à tous les maṇḍalas.
Nul besoin de mentionner le maṇḍala secondaire.
Tout méfait est ainsi purifié
Et vous obtenez la plus suprême des qualités.

Et :

Se souvenir du guru un seul instant est plus puissant
Qu'un kalpa entier de pratique de la phase de développement.
Une seule session de prière sincère au guru est plus puissante
Que la récitation de milliards de mantras.

Le Tantra du Compendium des connaissances dit :

Penser au guru un court instant
Vaut mieux que de méditer
Sur cent mille déités pendant cent mille éons.

Le Seigneur Sakya Paṇḍita a dit :

L'ardeur des rayons du soleil est intense et pourtant
Sans loupe, il ne peut y avoir de feu.
De même, les bénédictions des bouddhas sont partout,
Mais sans le guru, elles n'apparaîtront pas.

Le Seigneur Drikung Kyobpa a dit :

Si, sur le pic neigeux des quatre kāyas du guru,
Ne brille le soleil de notre dévotion,
Point ne coulera le flot de ses bénédictions.
Qu'à la dévotion donc notre esprit s’ingénie !

L'Omniscient Longchenpa a dit :

Comblé de qualités suprêmes et glorieuses,
Tel est le guru sacré, notre guide dans les trois mondes du saṃsāra.
Pour accomplir tout le but de cette vie et de la suivante, suivez-le avec dévotion,
Vous obtiendrez d'innombrables trésors de libération et de compréhension.
En tout temps, n'oubliez pas sa bonté ;
Par elle, le guru racine surpasse tous les bouddhas.
Puisque toutes les qualités précieuses découlent de la satisfaction du guru,
Que les êtres fortunés le suivent avec la plus pure des révérences.
Ses actions et sa façon d'être émulent les quatre activités éveillées,
Et il dompte les êtres par toutes sortes de moyens habiles, paisibles et courroucés.
Insondables comme un océan sont sa réalisation et son action.
A un tel maître, fiez-vous avec une inébranlable dévotion.[5]

Jigme Lingpa a dit :

Le yoga extérieur et intérieur pour accomplir le guru
Contient l'essence de ce qui est à réaliser par les phases de développement et de complétion.
C'est pourquoi les sûtras et tantras disent tous de le considérer comme le Bouddha en personne.
Les sots, pour la plupart, méditent sur son image,
Mais ne l'honorent pas quand il est parmi eux.
Ils prétendent méditer sur l'état naturel,
Mais ne connaissent pas l'esprit du maître.
Quel dommage que de pratiquer en contradiction avec le but !
Sans dévotion, rencontrer le maître dans l'état intermédiaire tiendrait du miracle.
Au début, examinez scrupuleusement le guru ;
Au milieu, suivez-le scrupuleusement ;
À la fin, imitez scrupuleusement sa réalisation et ses actions.
Le disciple qui agit ainsi est sur la voie authentique.[6]

Il existe un grand nombre de citations de ce type, et il est d’une grande importance d'y prêter attention et d'arriver à une complète conviction.

Lorsque vous suivez le guru, commettre un méfait et endommager le samaya est une faute extrêmement grave.

Comme le dit Le Filet de l'illusion :

Médire du maître
Et troubler son esprit sont des méfaits tels
Que vous passerez autant de temps en enfer,
Celui que l'on nomme enfer de vajra,
Qu'il en faut pour vider le grand océan extérieur
En le dispersant goutte à goutte à l'aide d'un cheveu.

Et La Ḍākinī de vajra dit aussi :

Ne manquez jamais de respect envers le maître,
L'égal de tous les bouddhas.
Quiconque dénigre le maître,
Endurera la souffrance, même en cette vie.
La maladie, le poison, les potions dangereuses,
Les maux infligés par les ḍākinīs, ainsi que
Les forces destructrices, violentes et corruptrices
Entraîneront la mort et la descente aux enfers.

Les dangers encourus sont ainsi longuement expliqués.

Ceux qui sont entrés dans le véhicule des mantras ne peuvent que s'élever ou chuter ; il n'y a pas de troisième voie. C'est pourquoi il est crucial d'être scrupuleusement attentif et vigilant et de protéger le samaya.

Si vous corrompez le samaya, il est d'une importance vitale de le confesser avant qu'une seule session ne s'écoule, puis de purifier votre esprit en vous concentrant sur les moyens habiles tels que la fête de tsok, l'auto-initiation, l'offrande de feu ainsi que la confession et l'accomplissement du Narak Kongshak.

Si vous adoptez la voie du yoga qui consiste à suivre le guru et à l'accomplir, vous accomplirez tous les bouddhas. Vous développerez un état de samādhi jusqu’alors inconnu et ce qui s'est développé s’accroîtra. Les obstacles et les embûches seront inévitablement éliminés, l'expérience et la réalisation deviendront stables, et vous parviendrez à la perfection ultime.

Ceci conclut l'explication générale du Guru Yoga. Nous allons maintenant nous pencher sur la signification du texte en question.

II. Explication du texte

Ce Guru Yoga, qui porte le noble titre de Nyingtik Saldrön, la lampe brillante de l'essence du cœur, a été composé en réponse à la demande insistante d'une dame dotée d'une grande dévotion. J'ai simplement écrit ce qui m'est venu à l'esprit, et il n'y a pas vraiment lieu de le faire, car je possède autant de qualités qui me rendraient digne d'une telle pratique de Guru Yoga qu'il y a de poils sur une tortue. Néanmoins, comme l'a dit Maitreya :

Tout ce qui a été exposé par ceux dont l'esprit est dépourvu de la moindre distraction,
Uniquement en accord avec l'enseignement du Victorieux,
Et propice à la voie pour atteindre la libération,
Doit également être placé au sommet de la tête, comme les propres paroles du Bouddha.[7]

En cette époque dégénérée, c'est à des personnes imparfaites comme moi qu'incombe le fardeau d'être un maître de vajra, et nombreux sont ceux qui ont pris l'engagement de recevoir une transmission de pouvoir des mantras secrets sans même réfléchir à ce que cela implique. Il ne serait donc pas totalement inapproprié que ceux qui ont établi un lien avec moi en recevant la transmission de pouvoir de cette pratique la récitent pour les aider à tenir leurs engagements de samaya. En outre, comme dans l'exemple de la vieille femme et de la dent de chien qui a produit des ringsels, il est possible que ceux qui ont la foi reçoivent des bénédictions.

Si vous souhaitez pratiquer ce Guru Yoga, allez donc dans un endroit calme et isolé. Évitez les lieux où les gens vont et viennent toute la journée ou encore les endroits très bruyants où il y a du vacarme pendant la nuit. Si possible, choisissez un lieu d'accomplissement béni par les grands saints du passé.

Commencez par nettoyer la pièce où vous méditez. Si vous avez une statue ou une image du guru, placez-la sur l'autel. Devant elle, disposez avec soin les sept sortes d'offrandes et préparez un plateau d'offrande du maṇḍala. Puis, assis bien droit sur un coussin confortable et rembourré, commencez par expirer trois fois l'air vicié. Ce faisant, considérez que vous expulsez toutes les influences néfastes, les actions négatives et les obscurcissements sous la forme d'une fumée blanche, rouge et noire. L'air frais et pur est ainsi débarrassé de l'air vicié et l'intérieur de votre corps devient vide, lumineux et clair. Puis reposez-vous un moment dans un état de confort et d'aise.

Ensuite, passez autant de temps que possible à réfléchir à la mort et à l'impermanence, aux dangers du saṃsāra ainsi qu'à la loi de la causalité et à l'effet du karma. Au début de la pratique, méditez longuement sur l'esprit d'éveil de la bodhicitta, en pensant : « Pour le bien de tous les êtres animés, en nombre aussi infini que l'espace, je vais maintenant pratiquer cette voie profonde du Guru Yoga ».

Visualisez votre environnement comme un vaste et pur royaume céleste et imaginez que dans le ciel devant vous, sur un lotus et un disque de lune, votre maître racine apparaît sous une forme resplendissante et majestueuse. Sachant qu'il incarne toutes les rares et précieuses sources de refuge, ajustez votre corps, votre parole et votre esprit à votre aspiration. Avec tous les êtres animés présents à vos côtés, récitez :

« Ah ! Mon propre rigpa, primordialement pur, est le dharmakāya... »

Répétez cela autant de fois que vous le pouvez. À la fin, imaginez que des rayons de lumière jaillissent des sources de refuge ; alors qu’ils vous touchent et se dissolvent en vous et en tous les êtres, ils purifient tout votre karma, vos émotions destructrices, vos actions néfastes et vos obscurcissements. Les bénédictions de la sagesse, de l'amour et de la puissance du guru emplissent tout votre être, votre corps ordinaire se transforme en un corps d'arc-en-ciel immaculé, le vajrakāya et votre esprit ordinaire se transforme en dharmakāya, l'état au-delà de tous les concepts. Reconnaissez alors la nature fondamentale de votre esprit comme l'essence du refuge résultant. À ce stade, considérez soit que les sources de refuge se dissolvent en vous et en tous les êtres, soit qu'elles demeurent en tant que témoins de votre pratique de bodhicitta.

Pour engendrer la bodhicitta, récitez :

« Ah ! Les êtres sensibles sont trompés par l'ignorance... »

Ce faisant, pensez que parmi tous les êtres infinis dans l'univers, il n'y en a pas un seul qui n'ait été votre père ou votre mère. Pourtant, ils sont tous étroitement enchaînés par les liens du karma et des émotions destructrices, plongés dans un immense océan de souffrance. Voyant les êtres animés ainsi opprimés par toutes sortes de tourments, laissez la force de votre amour et de votre compassion pour eux vous émouvoir et vous inspirer.

Répétez en vous-même : « Je serai le seul à tous les conduire vers un bonheur durable.

Et pour cela, je mettrai toute mon énergie dans cette pratique du Guru Yoga, qui est la voie rapide et secrète suivie par tous les bouddhas. » Méditez sur l'entraînement de l'esprit en inspirant et en expirant. Cultivez les quatre incommensurables en récitant :

« Que tous les êtres soient heureux... »

Méditez sur :

  • l'amour qui est le souhait que tous les êtres soient heureux ;
  • la compassion, le souhait qu'ils soient libres de la souffrance ;
  • la joie qu'ils trouvent le bonheur et soient libérés de la souffrance ;
  • l'équanimité, qui est l'absence d'attachement ou d'aversion à l'égard de toute personne, qu'elle soit proche ou éloignée.

Cultivez ces quatre incommensurables, qui possèdent quatre caractéristiques particulières :

  1. leur durée est incommensurable, depuis maintenant jusqu'à l'obtention du grand éveil ;
  2. ils s'adressent à un nombre incommensurable d'êtres animés, qui remplissent la totalité de l'espace ;
  3. ils sont cultivés avec une intention positive incommensurable ;
  4. ils apportent un fruit incommensurable, l'omniscience complète.

À la fin de la pratique, reposez dans votre propre présence éveillée, le cœur de l'esprit d'éveil, au-delà de tout concept d'un esprit de bodhicitta à engendrer, d'objets auxquels il est destiné, ou de celui qui l'engendre. Si vous n'avez pas visualisé la dissolution des objets de refuge plus tôt, faites-le ici.

Ensuite, il y a la création des supports de la pratique. En prononçant la syllabe « Ah », tous les phénomènes dualistes se dissolvent dans la vaste étendue inconditionnée du dharmadhātu dont la nature correspond aux trois voies d'accès à la libération :

  1. l'essence, la grande vacuité, qui est l'espace omniprésent de la dharmatā, libre de manifestation, de naissance et de cessation, d’allées et de venues, de permanence et de non-existence ;
  2. la cause, qui est au-delà des caractéristiques ;
  3. le résultat, qui est au-delà de tout souhait ou attente.

Puis, comme l'énergie de la manifestation universelle est incessante, l'union de l'espace omniprésent et de la sagesse se manifeste sous la forme de la Grande Compassion. Et de ce déploiement magique, actualisez le sens comme suit, tout en récitant les paroles de la pratique : « Dans le ciel devant moi, dans un déploiement de lumière d'arc-en-ciel... ».

L'univers entier - l'apparence et l'existence, l'environnement et les êtres - apparaît dans toute sa pureté primordiale et infinie comme un royaume céleste tel que Sukhāvatī, s'étendant à l'infini dans toutes les directions, un monde baigné de lumière sans limites entre l'intérieur et l'extérieur, empli d'ornements et de nuages d’offrandes de plaisirs sensoriels qui défient l'imagination. Tout autour, s'élève une chaîne de montagnes de turquoises, d'or et d'argent, de corail et de perles, d'émeraudes et de saphirs. De grandes rivières d'eau parfumée, pures à tous points de vue, coulent sur des lits de sable doré. Les lacs, les étangs et les sources abondent. Des oiseaux de toutes sortes, au plumage enchanteur, chantent en chœur. Des troupeaux de cerfs et d'autres douces créatures inoffensives gambadent et dansent.

Les arbres sont tous formés de joyaux et d'objets précieux ; leur feuillage, leurs branches et leurs feuilles sont chargés de fruits et ornés de toutes sortes de décorations étincelantes. Le sol est pavé de lapis-lazuli, de pierres célestes d'amonika et d'autres pierres semblables, lisses et uniformes, et parsemé de fleurs des royaumes divins et humains. Partout, règne un parfum si doux qu'il est impossible à décrire. La musique emplit l'air et les déesses pullulent dans le ciel, tenant des parasols, des bannières de victoire et des pendentifs, tandis que du safran tombe en pluie.

Un royaume pur tel que celui-ci naît de la force des prières d'aspiration faites par les bouddhas et bodhisattvas, et en l'imaginant et en le visualisant encore et encore, vous cultivez une terre pure. Pendant que vous méditez, assurez-vous que les différents éléments de la visualisation apparaissent clairement et distinctement.

Visualisez-vous sous la forme de votre déité yidam ou sous votre forme ordinaire.

Les deux sont acceptables, mais il est préférable de vous visualiser comme le yidam qui est au centre de votre pratique quotidienne.

Dans le ciel devant vous, la sagesse naturelle apparaît comme un entrelacs de rayons de lumière de cinq couleurs à l'intérieur duquel se trouve un trône orné de joyaux, soutenu par huit lions. Paré de toutes sortes de pierres précieuses éblouissantes, il est aussi haut et élégant qu'il est large et grandiose. Sur ce trône, symbolisant la pureté du sperme, de l'ovule et de l'air intérieur, repose un lotus multicolore aux cent mille pétales, posé sur des disques de lune et de soleil. Pour symboliser l'anéantissement complet de l'orgueil, la maîtrise de tout ce qui apparaît et existe et la soumission des hordes d'esprits hautains, une peau de tigre fraîche est étalée sur le trône, les quatre pattes étendues et la tête dirigée vers vous.

Là se tient le roi de tous les vidyādharas, l'omniscient Dodrupchen, qui lorsqu'il a accordé la transmission de pouvoir dans les maṇḍalas des mantras secrets, a octroyé le sublime nom de Pema Yeshe Dorje, riche de sens et de signification.

Il apparaît sous la forme d'un grand hérouka courroucé, surgi naturellement et symbolisant la présence éveillée fondamentale qui est la base de l'être. Un tantra dit :

représente la grande compassion.
Ru signifie l'absence de rassemblement.
Ka signifie ne pas demeurer dans quoi que ce soit.

Cela veut dire qu'un hérouka représente l'union de la compassion et de la vacuité qui imprègne tout le saṃsāra et le nirvāṇa. Il peut également s'agir du grand et redoutable hérouka qui boit le rudhira - c'est-à-dire le sang - des quatre māras, une fois qu'ils ont été libérés dans l'espace omniprésent ; celui qui est primordialement et spontanément parfait, et qui, dans sa majesté universelle, préside à l'ensemble du monde animé et inanimé.

En apparence, il prend la forme d'un vidyādhara, un maître de la conduite yogique. Puisque la famille de la parole du lotus est la plus importante ici et qu'il apparaît comme l'auto-rayonnement de la sagesse du discernement, la grande passion qui est le non-attachement sans passion, son corps est de couleur rouge foncé. Ses cheveux sont attachés au sommet de sa tête, où se trouve la moitié supérieure d'un vajra. Dans sa grande compassion envers les êtres à guider, il sourit. Mais en signe qu'en cette époque dégénérée, il doit subjuguer les démons damsi briseurs de samaya ainsi que les gyalpo, les gongpo, asuras et māras, il arbore un froncement de sourcils et un air légèrement courroucé. Sa bouche est légèrement ouverte comme s'il émettait le son  « Hé »  !

Ses deux bras symbolisent les moyens habiles et la sagesse. Sa main droite joue d'un ḍāmaru (fait de l’os crânien de deux jeunes personnes de seize ans) à hauteur de son oreille, et il invoque les assemblées de ḍākas et de ḍākinīs par les sons de la félicité et de la vacuité : « Phreṃ ! Hūṃ ! Phreṃ ! Hūṃ ! » Sa main gauche est posée dans un geste d'équanimité, signe qu'il ne dévie pas du samādhi inmmaculé de la félicité et de la vacuité. Dans cette main repose un kapāla d'une seule pièce symbolisant la continuité de la félicité non conceptuelle. Il est rempli du nectar d'immortalité, bouillonnant et écumant et parfait en couleur, parfum et saveur.

Sur son corps, en signe d'accomplissement des six perfections transcendantes et des six familles de bouddhas, se trouvent les six ornements en forme d'os : les ornements de tête sur sa couronne, les boucles d'oreilles, le collier, la courte cape sur les épaules et la ceinture à la taille. De minuscules clochettes pendent de ces ornements, qui symbolisent la vacuité et résonnent du son du Dharma. Sur le bas du corps, il porte un pagne de soie et une jupe en peau de tigre, dont la tête est tournée vers la droite.

Il se tient droit et son regard est intense et pénétrant. Dans le creux de son bras gauche, il porte un trident (khaṭvāṅga), symbole de l'épouse de sagesse secrète de l'espace omniprésent d’où pendent des anneaux et orné de crânes frais, pourris et desséchés, d'un vase, d'un double vajra, d'une cloche, d'un ḍamarou et de rubans de soie. La poignée est de section octogonale et sa partie principale est décorée d'un demi-vajra. Ces caractéristiques symbolisent la sphère de protection indestructible, le palais incommensurable, le noble sentier octuple, les trois kāyas, et ainsi de suite. En fait, la pratique contient de nombreuses significations symboliques en termes de phase de développement et de complétion, mais je ne m'étendrai pas ici sur ce sujet. A son front se trouve un oṃ blanc, l’essence du corps de vajra et Vairocana. A sa gorge, un āḥ rouge, l'essence de la parole de vajra et Amitābha; et à son cœur, un hūṃ bleu, l'essence de l'esprit de vajra et Akṣobhya. Les trois syllabes émanent toutes des rayons de lumière et flamboient de splendeur. Visualisez qu'elles ont toujours eu, depuis le début, la nature des trois vajras, spontanément parfaites. Puisque le samayasattva et le jñānasattva sont indivisibles, naturellement nés et spontanément présents, sans aucune séparation entre dharmakāya et rūpakāya, il n'est pas nécessaire de faire une invocation ou autres.

Néanmoins, certains débutants pourraient préférer une pratique plus élaborée. Considérez alors que vous invoquez un vaste rassemblement de l'océan des trois racines infinies, y compris les gurus, les déités yidam, les bouddhas, les bodhisattvas, les ḍākinīs, les dharmapālas, etc… venus de tous les royaumes purs et infinis des saṃbhogakāya et nirmāṇakāya parfaits, et surtout des royaumes purs émanés comme le grand Palais du Lotus sur la Glorieuse Montagne couleur cuivre et le Wutai-shan en Chine. Invoquez à la fois le grand guru d'Oḍḍiyāna, Padmasambhava, et le grand paṇḍit Vimalamitra avec leurs suites de vidyādharas et de siddhas, de déités courroucées, masculines et féminines, de ḍākas et de ḍākinīs. En récitant les paroles de l'invocation, considérez que la terre et le ciel sont emplis de nuages d’encens parfumés, de tentes de lumière d'arc-en-ciel, du son de cymbales et de musiques divines, et de mantras tels que « Hūṃ ! » et « Phaṭ ! », de parasols, de bannières de victoire, de chants mélodieux de louange et de prières de bon augure, et de cascades de fleurs.

Une fois les déités invoquées, récitez les mantras et effectuez les mudrās secrets, de sorte que les déités se dissolvent dans le guru au-dessus de votre tête.

Toutes les déités de la sagesse qui sont maintenant assemblées dans l'espace sont invoquées avec jaḥ, sont dissoutes avec hūṃ, fusionnent inséparablement grâce à baṃ, et développent la joie grâce à hoḥ. Dans les tantras inférieurs, les déités sont invoquées depuis un lieu lointain mais ici, dans la merveilleuse approche du plus haut niveau du Mantrayāna, nous considérons que les foules de déités de sagesse sont instantanément manifestées et apparaissent devant nous, aussi brillantes et vives que les étoiles et les planètes dans le ciel.

Considérez qu'après s'être dissoutes de la sorte, les déités s'embrasent avec encore plus d'éclat et de bénédictions, dans un état de grande félicité.

Pour le rassemblement des accumulations, bien que les paroles du texte des huit branches évoquent et inspirent clairement le sens ultime, les débutants doivent garder à l'esprit les visualisations relatives.

Comme antidote à l'orgueil, considérez qu'avec tous les êtres, vous émanez des corps aussi nombreux que les atomes de l'univers et faites des prosternations en touchant le sol avec les cinq points de votre corps.

Comme antidote au désir et à l'avarice, offrez tous les biens et les richesses des dieux et des hommes, qu’ils appartiennent à quelqu’un ou non, des offrandes réelles et celles créées en imagination, un océan de vastes nuages d'offrandes extérieures, intérieures, secrètes et ultimes, émanant toutes d'un samādhi semblable à celui du bodhisattva Samantabhadra.

Comme antidote à l'agressivité, confessez toutes les actions négatives que vous avez accumulées au cours des temps sans commencement, y compris les méfaits naturels comme les dix actions nuisibles, les cinq crimes à rétribution immédiate, les cinq actions similaires aux crimes à rétribution immédiate, les seize fautes graves, le détournement des enseignements, l'abandon du Dharma sacré, le dénigrement des êtres nobles, le mal causé aux êtres sensibles et ainsi de suite.

Confessez également les fautes qui contreviennent aux interdits énoncés par le Bouddha, telles que les infractions aux vœux des pratiquants laïcs, des novices et des moines et moniales pleinement ordonnés. Viennent ensuite les manquements au vœu de bodhisattva, y compris les quatre dharmas néfastes, les dix-huit fautes racines, le désintérêt vis-à-vis de l'aspiration ou de l'action, ou les quarante-six transgressions. Enfin, il y a toutes les ruptures des samayas des tantras extérieurs ou intérieurs, en particulier les tantras intérieurs des vastes moyens habiles du Mahāyoga, de l’Anuyoga et de l’Atiyoga, y compris les vingt-sept samayas du corps, de la parole et de l'esprit du guru, les quatorze détériorations racines, les huit fautes graves, les vingt-cinq samayas branches et les quatre samayas royales de l'inexistence, de l'omniprésence, de l'unicité et de la présence spontanée. Avec un regret et un remords intense envers toutes les actions négatives que nous avons commises consciemment et inconsciemment, envers tous nos obscurcissements et nos actes répréhensibles, nous nous confessons à l'aide des quatre pouvoirs, sans rien dissimuler ni retenir.

Comme antidote à la jalousie, réjouissez-vous, sans aucun sentiment d'envie, de toutes les sources de vertus accumulées par les êtres nobles, qu’ils soient encore en apprentissage ou au-delà, ainsi que par les êtres ordinaires. Comme antidote aux vues erronées, faites la requête que soit tournée la roue du Dharma des enseignements vastes et profonds, de sens à la fois provisoire et définitif, appartenant aux trois véhicules, pour répondre à toutes les capacités.

Comme antidote à l'ignorance, priez pour que tous les bouddhas, les bodhisattvas et les grands maîtres qui ont l'intention de passer au-delà de la souffrance puissent demeurer jusqu'à la fin de cet éon.

Comme antidote au doute, dédiez toutes les vertus, souillées ou non, accumulées par les bouddhas, les êtres nobles et même les êtres ordinaires, dans le passé, le présent et l'avenir. Faites-le avec authenticité, au sein de l'espace inconcevable et inexprimable du dharmadhātu, au-delà de toute référence conceptuelle. Engagez-vous à suivre les traces de Samantabhadra et aspirez à ce que la totalité des prières de dédicace soient faites pour le bien de tous les êtres dans le passé, le présent et l'avenir, et qu'elles soient entièrement exaucées.

Au niveau ultime,

  • prosternez-vous devant votre visage véritable, le guru du dharmakāya naturellement manifesté ;
  • offrez la pureté primordiale de tout ce qui apparaît et existe ;
  • confessez-vous en reconnaissant que les actions négatives et les obscurcissements sont, par nature, au-delà de la naissance ;
  • réjouissez-vous de la vertu qui n'est pas fabriquée et qui est au-delà de l'effort ;
  • demandez que la roue du Dharma, qui est au-delà des mots ou de l'expression délibérée, soit mise en mouvement ;
  • demandez au maître de demeurer dans un état immuable, au-delà de la naissance et de la mort ;
  • dédiez au-delà de la dualité de quelque chose à dédier et d’un acte de dédicace ; et aspirez à reconnaître la présence éveillée, le visage naturel des trois kāyas.

Rassemblez ainsi les accumulations, en unissant les formes référentielles et non référentielles de la pratique. Si vous souhaitez accumuler des prosternations, c'est le moment de le faire.

L'offrande du Maṇḍala

Pour l'offrande de maṇḍala, le support du maṇḍala peut être fait d'une substance telle que l'or, l'argent, le métal d’une cloche, le bois ou la pierre.

Les amas à empiler peuvent être des pierres précieuses, des médicaments, de la poudre d'encens, des parfums ou des grains blancs dont on a enlevé la poussière ou l'impureté et qui ont été aspergés d'eau parfumée, lavés et teints au safran.

En maintenant la triple pureté du champ d'accumulation, de votre motivation et des substances d'offrande, placez un maṇḍala d'accomplissement - si vous en avez un - fait de cinq tas, sur l'autel où il servira de support à la visualisation du champ de mérite. Ce n’est pas un problème si vous n'en avez pas. Le maṇḍala d’offrande doit être soigneusement nettoyé et oint de bajung.[8]

Si vous faites une pratique plus élaborée, ajoutez trente-sept amas et pour une pratique plus brève, ajoutez-en sept. De même, le texte à réciter peut être élaboré ou succinct. Pour la pratique quotidienne, utilisez le texte qui commence par « Oṃ āḥ hūṃ, Avec tous les êtres, infinis en nombre... » y compris le mantra. Si vous accumulez la pratique, récitez ceci cent mille fois. Pour la visualisation, vous pouvez considérer que le champ de mérite surgit spontanément comme le rayonnement du grand esprit de sagesse du guru racine, ou visualisez le guru comme auparavant à la manière du joyau qui incorpore tout. Les deux sont acceptables.

Offrez vos corps, vos possessions et vos vertus du passé, du présent et du futur. Tous apparaissent sous la forme de plusieurs milliards de systèmes planétaires, chacun avec ses quatre continents, sa montagne cosmique, son soleil et sa lune. Ils sont emplis de toutes les richesses et plaisirs des dieux et des hommes dans les royaumes du saṃsāra et du nirvāṇa. Tout est rassemblé sous la forme d'un maṇḍala qui remplit entièrement l'étendue de la réalité (dharmadhātu).

Les six perfections transcendantes sont au complet dans cette pratique.

Comme le dit le Maṇḍala Sūtra :

Offrir le maṇḍala avec le bajung, est la générosité.
Le nettoyer soigneusement est la discipline.
Éliminer toute forme de vie minuscule est la patience.
Pratiquer avec enthousiasme est la diligence.
La méditation consiste à concentrer l'esprit sur l'instant présent.
La sagesse consiste à dessiner correctement le maṇḍala.

Ainsi, les six perfections transcendantes sont toutes complètes et la pratique apporte simultanément l'accumulation et la purification.

La prière du cœur

Comme il est dit :

Le guru est le Bouddha,
Le guru est le Dharma,
De même, le guru est aussi le Saṅgha.
Le créateur de toute chose est le guru.

Et :

Vajrasattva, seigneur du maṇḍala,
Le guru est l'égal de tous les bouddhas.

De nombreuses autres citations de ce type ont déjà été énoncées ci-dessus.

En outre, Le Sūtra de du Ciel Immaculé dit :

Ānanda, le tathāgata n'apparaît pas à tous les êtres sensibles. Cependant, l'ami spirituel se manifeste universellement, enseignant le Dharma et plantant la graine de la libération. C'est pourquoi vous devez révérer l'ami spirituel plus encore que le tathāgata.

Le maître est égal aux bouddhas, il ne les surpasse pas en termes de qualités, mais il les surpasse en termes de bonté. Nous n'avons pas pu rencontrer les bouddhas face à face ni entendre leur voix. Mais le maître nous apparaît en personne, nous transmet les enseignements semblables au nectar, prend soin de nous avec amour et nous accorde des bénédictions. Une telle bonté est inestimable.

La réalisation du guru est semblable à l’immensité de l'espace ; sa nature est aussi stable que le mont Meru ; sa sagesse et son amour sont aussi brillants que le soleil et la lune ; sa compassion est aussi forte qu'un fleuve puissant et ses bénédictions sont aussi rapides que l'éclair. Cela signifie que si nous pouvons le prier, le guru accordera sans aucun doute des bénédictions. Malgré cela, nos pensées sont incontrôlables, notre foi instable, nous sommes en proie aux doutes et notre perception pure est si faible que les accomplissements tardent à venir.

Le grand maître d'Oḍḍiyāna a dit :

Priez avec une foi confiante.
Libéré des doutes, vous obtiendrez tout ce que vous souhaitez.
Priez donc du plus profond de vous, de tout votre cœur et de tout votre être.
Ne vous contentez pas de réciter les paroles.
Sans entretenir une seule pensée qui ne soit pas en lien avec le guru, laissez la dévotion emporter votre esprit.
Reconnaissez chaque action du guru comme un déploiement de moyens habiles pour le bien des êtres.
Jusqu'à ce que la dévotion emplisse votre esprit et votre cœur au point de réduire à néant les pensées et les perceptions ordinaires, continuez à prier.  

Il est essentiel d'invoquer l'esprit de sagesse du guru de cette manière, en chantant parfois la prière lentement et d'une voix forte et parfois avec une belle mélodie.

Comment une personne comme moi, un accumulateur d'offrandes aux vœux brisés, dépourvu de Dharma, têtu et in-civilisé, mériterait-il des épithètes comme bodhisattva, Mañjuśrī, hérouka, etc.? Il est évident qu'ils sont employés de manière inconsidérée, comme dans le cas de quelqu'un qui s'appelle Sangyé ou Sengé, alors qu'il n'est ni un bouddha ni un lion.

Mais comme plusieurs grands maîtres à la vision sublime et parfaite ont prophétisé mon éveil et parce que le saṃsāra prendra fin à un moment donné et puisque dans la réalité, tous les êtres sont imprégnés de la bouddhéité naturellement pure, j'ai mis par écrit les paroles de cette prière. Si ceux qui ont un lien avec moi choisissent de voir le laiton comme de l'or et de réciter ceci avec foi et dévotion, alors, étant donné que tout est circonstanciel et dépend entièrement de l'aspiration de chacun, il y aura des bénédictions. Vous pouvez vous demander ce que nous devons souhaiter lorsque nous prions.

Le texte dit : « Je te prie de me bénir et de transformer mon être ! » 

Cela signifie que nous prions pour que les bénédictions du guru purifient les obscurcissements karmiques et émotionnels dans notre esprit et que les obscurcissements cognitifs et les tendances habituelles soient éliminés ; que nous puissions parfaire les deux accumulations de mérite et de sagesse ; que notre esprit se tourne vers le dharma ; que le dharma progresse le long du chemin ; que le chemin pacifie la confusion et que la confusion s’élève en sagesse ; que dans cette vie même, nous puissions reconnaître la sagesse fondamentale du rigpa-vacuité, parfaire la force de cette reconnaissance et la stabiliser, afin d’atteindre le niveau du corps d'arc-en-ciel du grand transfert ; si nous ne sommes pas libérés dans cette vie, que nous puissions reconnaître le bardo du moment de la mort et obtenir la libération ; ou, que si nous ne sommes toujours pas libérés quand le bardo du devenir se lève, nous puissions être guidés par la compassion suprême du guru et conduits dans le royaume pur de Sukhāvatī.

Voilà le genre de choses pour lesquelles nous devrions prier. Se contenter de demander une bonne santé, une longue vie et un bonheur durable, ou d'éviter de tomber dans les royaumes inférieurs dans la prochaine vie, serait une forme de requête largement inférieure.

La récitation pour invoquer et éveiller l'esprit de sagesse

Appeler une personne par son nom la fera venir rapidement, de même, appeler le guru par le mantra de la force vitale invoque et suscite automatiquement son esprit de sagesse.

Le mantra est expliqué comme suit :

  • Oṃ, au complet avec les cinq sagesses, est placé au début du mantra et représente l'octroi de l'essence glorieuse et suprême du corps éveillé.
  • Le long āḥ est l'essence de la parole éveillée, la source de tous les dharmas, le son inexprimable uni à la vacuité.
  • Guru śrī signifie glorieux guru. Il est glorieux parce qu'il possède la gloire de réaliser parfaitement ses propres intentions et celles des autres, et  guru parce qu'il est lourd de qualités précieuses.
  • Hérouka signifie grand buveur de sang. Cela signifie qu'il boit le sang ou le rakta de toutes les pensées impliquant une perception dualiste qui sont libérées dans l'espace omniprésent de la réalité ; il boit le sang encore chaud venu du cœur de tous les rudras et māras qui se sont détournés de la signification des mantras secrets. Avec une grande compassion, il consomme le rakta du plaisir et de la passion pour les êtres sensibles.
  • Nous prions ce grand hérouka en lui demandant d'accorder tous les siddhis (sarva siddhi), ceux des trois secrets ainsi que les qualités et l'activité éveillées.
  • Phala fait référence à ces excellents fruits.
  • Puis hūṃ, la syllabe de l'essence de l'esprit éveillé au-delà de la perception dualiste, renforce et stabilise.

De cette façon, le mantra de la force vitale du guru est inséré dans les syllabes du corps, de la parole et de l'esprit éveillés comme un moyen puissant d'invoquer la sagesse de vajra en recueillant la force vitale de son esprit de sagesse. En récitant ce mantra du nom, concentrez votre esprit sur la forme du guru ou réfléchissez à ses qualités pour éveiller votre dévotion ou vous rappeler sa bonté. À d'autres moments, contentez-vous de demeurer dans la vue. Ou encore, cultivez la compassion pour les êtres sensibles. Il est particulièrement important de se concentrer de façon répétée sur les transmissions de pouvoir. Il serait excellent de réciter cent mille fois chaque syllabe du mantra du nom et la prière.

Recevoir les transmissions de pouvoir

Pour recevoir la transmission de pouvoir et faire la requête des siddhis à la fin de la session, récitez le texte commençant par : « Des syllabes aux trois centres du guru... »

Des trois syllabes visualisées aux trois centres du guru, considérez que depuis le oṃ blanc à son front, des rayons de lumière jaillissent et se dissolvent dans votre propre front. Grâce à cela, vous obtenez la transmission de pouvoir du vase, les obscurcissements du corps physique grossier sont purifiés ; vous êtes habilité à pratiquer la phase de développement de la voie - le yoga des formes - et le potentiel d'obtenir le fruit du corps de vajra et le nirmāṇakāya est implanté en vous.

De la syllabe rouge āḥ au centre de la gorge du guru, des rayons de lumière se déversent et se dissolvent dans votre gorge. Grâce à cela, vous obtenez la transmission de pouvoir secrète, vous purifiez les obscurcissements de la parole et vous êtes habilité à méditer sur la chaleur intérieure (toumo), la pratique des canaux subtils et de l'air intérieur, et le potentiel d'obtenir le fruit de la parole de vajra et du saṃbhogakāya est implanté en vous.

De la syllabe bleue hūṃ à son cœur, des rayons de lumière jaillissent et pénètrent dans votre cœur. Vous obtenez la transmission de pouvoir de la sagesse-connaissance, les obscurcissements de l'esprit ordinaire sont purifiés ; vous êtes habilité à pratiquer la voie du yoga des essences subtiles (bindu) et le potentiel d'obtenir le fruit de l'esprit de vajra et du dharmakāya est implanté en vous.

Une fois encore, des rayons de lumière blanche, rouge et bleue jaillissent à la fois des trois syllabes et se dissolvent simultanément dans vos trois centres. Par ce biais, vous obtenez la quatrième transmission de pouvoir et les obscurcissements de l'ālaya, même les plus subtils, sont purifiés. Vous êtes habilité à pratiquer la voie de la Grande Perfection en méditant sur trekchö et tögal. Et le potentiel d’obtenir le fruit de la sagesse de vajra et le svabhāvikakāya est implanté en vous.

À la fin de chaque transmission de pouvoir, reposez-vous de manière égale dans la sagesse qui est la véritable signification de la transmission de pouvoir.

Puis, à la fin, considérez que le guru, dans un état de grande joie, se dissout progressivement en lumière, depuis son siège, le trône de lion, vers le haut, et depuis les cheveux sur le sommet de sa tête vers le bas, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une sphère de lumière au niveau de son cœur, d'un rouge profond, intensément brillante et rayonnante des cinq sagesses. Cette sphère se dissout ensuite soudainement dans votre propre cœur. Ainsi, votre propre corps, votre parole et votre esprit fusionnent inséparablement avec le corps, la parole et l'esprit secrets du guru. Dans cet état nu de présence éveillée authentique, vierge de toute pensée associée au passé, au présent ou au futur, laissez-vous simplement reposer, sans méditer ni être distrait ou altérer l'esprit, en contemplant simplement le visage naturel du dharmakāya.

Le Tantra souverain qui crée tout dit :

Kyé ! Je suis le souverain universel, l'esprit d'éveil.
En moi, il n'y a rien à exagérer ou à déprécier.
Je ne pense à rien. Je ne médite pas.
Sans altérer ni le corps, ni la parole, ni l'esprit, je les laisse simplement être tels qu'ils sont, et tout ce qui surgit est naturellement libéré.
Ouvert et expansif comme l'espace non né,
Telle est la Grande Perfection naturelle.

Et :

L'état authentique inaltéré est la nature intrinsèque de toute chose.
Aucune bouddhéité n'existe en dehors de cette nature intrinsèque.
Le nom Bouddha n'est qu'un terme pour la désigner,
Mais ce n'est rien d'autre que la nature intrinsèque de votre propre esprit.
Votre propre esprit inaltéré est décrit comme dharmakāya.
Dans l'état de non-recherche, il a toujours été non né,
Dans l'état de non-naissance, il n'y a rien à rechercher ou cultiver.
Le non-agir ne se produit pas en recherchant ou en cultivant.

Et :

Quiconque demeure ainsi, au-delà de toute action,
Que son corps soit celui d'un dieu ou d'un humain,
Sa réalisation est celle d'un bouddha.

Comme vous le trouvez ici et ailleurs dans les tantras, āgamas et upadeśas du Dzogchen et dans les instructions de votre maître sur la façon de s'installer dans la méditation, demeurez sans permettre à votre attention de se distraire ou de se disperser. Libre de la saisie dualiste, permettez à tout ce qui surgit dans votre esprit d'aller et venir, en étant naturellement et spontanément libéré.

Lorsque vous sortez de votre session, ne négligez pas la pratique de l'intégration, qui consiste à reconnaître que toutes les perceptions visuelles, tous les sons et toutes les consciences sont le corps, la parole et l'esprit de vajra du guru. Au cours de toutes les activités quotidiennes, que ce soit en marchant, en se déplaçant, en s'allongeant ou en s'asseyant, ne perdez jamais la pleine conscience et l'attention et ne vous éloignez ni de la présence éveillée, ni de la vacuité qui est l'essence de l'esprit de sagesse du guru.

Pendant le sommeil, concentrez votre attention sur la syllabe subtile A () qui représente l'esprit de sagesse du guru, située au centre de votre cœur et maintenez l'expérience de la claire lumière. En vous concentrant sur la syllabe rouge aṃ au niveau de la gorge, entraînez-vous au yoga du rêve. Visualisez le guru au sommet de votre tête. Imaginez votre propre conscience sous la forme d'une syllabe Ah et transférez-la dans son esprit de sagesse comme dans la pratique du p'owa. Chaque fois que vous avez peur, méditez sur le guru, c'est une préparation aux bardos.

En outre, lorsque vous pratiquez le yoga de la nourriture, visualisez le guru dans votre gorge. Si vous portez de nouveaux vêtements, offrez-les d'abord au maître et considérez ensuite qu'il vous les accorde en tant que siddhis. Lorsque vous pratiquez la chaleur intérieure (toumo), offrez au guru et à sa parèdre la félicité et la vacuité de ce qui s’embrase et s’écoule sous forme de gouttes, à travers les syllabes Ham. En bref, veillez à intégrer toutes vos activités à la pratique du guru.

Lorsque vous offrez le gaṇacakra, faites-le avant de recevoir la transmission de pouvoir. Récitez la prière de Yeshé Kuchokma. Alternativement, pour une pratique plus élaborée, il est bon de considérer que toutes les déités paisibles et courroucées résident dans le corps du guru et de réciter la longue prière du Narak Kongshak. Les substances de gaṇacakra, qui représentent les moyens habiles et la sagesse, ne doivent pas être entachées d’avarice ou associées à des actes répréhensibles.

Placez les cinq viandes et les cinq nectars dans le vaste réceptacle, un crâne en trois parties, et considérez qu'ils deviennent l'essence des cinq sagesses. À la fin de l'invocation du champ de mérite, considérez que les déités assemblées sont présentes tout autour du maître, dans chacune des directions cardinales et intermédiaires, au-dessus et au-dessous. Imaginez ensuite que vous leur offrez les cinq stimulants sensoriels qui émanent de la nourriture du festin du gaṇacakra. Offrez pour l'accomplissement et la confession, et libérez et offrez le rudra de la saisie égocentrique. Au stade intermédiaire, la dégustation du nectar du festin plaît aux déités du maṇḍala du corps. Combinez les offrandes restantes propres et impures, aspergez-les de salive et offrez-les pour plaire aux assistants du héruka. Faites des prières d'aspiration et exécutez des chants et des danses de vajra.

Grâce à cela, les déités qui sont conviées au festin du gaṇacakra seront satisfaites, et les déités du maṇḍala du corps le seront également. Les pratiquants seront satisfaits par la nourriture, les esprits élémentaires ('byung po) seront satisfaits par les tormas et les déités āyatana seront satisfaites par le chant et la danse de vajra. C'est ainsi que ce yoga profond du gaṇacakra est complet avec les six types de satisfaction. À la fin, en proclamant le pacte (chad tho) à la foule innombrables des esprits arrogants, offrez la torma aux déesses tenma et exécutez la danse du cheval. Puis recevez les transmissions de pouvoir et concluez par les prières de dédicace et les versets de bon augure.

Bien que quelqu'un comme moi ne soit pas apte à être un objet de refuge, en réponse à quelques personnes dévouées qui en ont exprimé le besoin, j'ai écrit plusieurs pratiques de Guru Yoga, et en particulier, suite à l'insistance de la prénommée Yudrön[9], née dans la noble famille des quatre aspects et des dix vertus[10] dont l'esprit est riche de qualités et la vision empreinte de pureté, la merveilleuse Lampe qui éclaire la sagesse est née spontanément grâce au pouvoir créatif de la présence éveillée.

Il est extrêmement inconvenant de commenter ses propres compositions.
Cependant, pour éviter de rejeter les demandes persistantes de fidèles disciples, j'ai écrit ceci.
Quel qu'en soit le mérite, que tous les êtres, mes propres mères, soient acceptés comme disciples du grand guru Padmasambhava !

Que les forces démoniaques qui nuisent aux enseignements soient vaincues !
Que la lumière des précieux enseignements, semblables à des joyaux, brille toujours plus fort !
Que la vie des détenteurs des enseignements soit protégée et que les mécènes des enseignements prospèrent et s'épanouissent !

Afin de répondre aux requêtes persistantes et enthousiastes, accompagnées d'une offrande, de mon propre élève Parkö Chöpel,[11] moi, Jamyang Chökyi Lodrö, ai écrit ceci de ma main, avec le souhait que cela puisse être d'une certaine utilité, y compris pour d'autres pratiques de Guru Yoga où seuls les détails de la visualisation sont à modifier. Puisse cela apporter des bienfaits aux êtres sensibles ! Sarva maṅgalam !


| Traduit par le Comité de traduction française Rigpa, 2024


Bibliographie

Éditions tibétaines

'Jam dbyangs chos kyi blo gros. "Bla ma'i rnal 'byor gyi zin bris ye shes gsal sgron" Dans 'Jam dbyangs chos kyi blo gros kyi gsung 'bum. BDRC W1KG12986. 10: 131-174. Bir,H.P.: Khyentse Labrang, 2012.

_____ . "Bla ma'i rnal 'byor gyi zin bris ye shes gsal sgron" Dans 'Jam dbyangs chos kyi blo gros kyi gsung 'bum. W21813. 2 : 39-96. Gangtok : Dzongsar Khyentse Labrang, 1981-1985. 26

Sources secondaires

Dilgo Khyentse : The Life and Times of Jamyang Khyentse Chökyi Lodrö: The Great Biography by Dilgo Khyentse Rinpoche and Other Stories. (La vie et l'époque de Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö : La grande biographie de Dilgo Khyentsé Rinpoché et autres histoires) Boulder, Shambhala Publications, 2017.

Galli, Lucia : "De 'Ba' rom à Ris med : A Genealogy of the Kingdom of Nang chen "(Une généalogie du Royaume de Nang chen) in Central Asiatic Journal : Glimpses of Historical Central Asia (Aperçus de l’Asie centrale historique) Part 1, 2019 : 91-117

Toulku Thondup. Masters of Meditation and Miracles (Les maîtres de la grande perfection.) Boston : Shambhala, 1996.


Version : 1.0-20241031


  1. Sanskrit pour « Hommage au guru dans son corps de sagesse».  ↩

  2. Dans cette première section en particulier, un effort a été fait pour refléter la neutralité de genre du texte original dans la traduction. Ce principe ne s'applique pas à la deuxième section, où le mot guru se réfère souvent spécifiquement à Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö en tant qu'objet du Guru Yoga dont il est question ici.  ↩

  3. C'est-à-dire la bonté d'accorder la transmission de pouvoir, la transmission orale et les instructions essentielles.  ↩

  4. Saraha, Trésor des Dohās.  ↩

  5. Ceci est tiré de Bla ma'i rim pa dngos grub rgya mtsho.  ↩

  6. De Yon tan rin po che'i mdzod.  ↩

  7. Uttaratantra V, 19  ↩

  8. Bajung (ba byung) est une préparation rituelle composée de cinq substances différentes issues d'une vache.  ↩

  9. Yudrön était une princesse de Dergué qui devint plus tard reine de Nangchen, mariée au roi Tashi Tsewang Tobgyal (1910-1961).  ↩

  10. C'est-à-dire Dergué (sde dge), que l'on décrit souvent par une étymologie populaire comme le lieu des quatre aspects du bien-être (sde bzhi) et des dix vertus (dge ba bcu).  ↩

  11. Parkö (spar brkos) désigne un sculpteur de planches de bois pour l'imprimerie.  ↩

Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

Le bouddhisme vajrayāna impose des restrictions à la lecture et à la pratique de certains textes, qui sont destinés uniquement à ceux qui en ont reçu les transmisssions de pouvoir, transmissions de lecture et instructions appropriées.

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