La maison des traductions du bouddhisme tibétain
ISSN 2753-4812
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Courte autobiographie de Chökyi Lodrö

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Une brève histoire de la vie et de la libération de Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

Racontée par lui-même

Supplément aux biographies des maîtres de la lignée de la Transmission murmurée de Thangtong Gyalpo (Thangtong nyengyü)

Ma jeunesse

Cet homme qui écrit, et qui se goinfre d’offrandes au nom du sublime Jamyang Khyentsé Wangpo, est né de Gyourmé Tséwang Gyatso, grand vidyādhara et maître accompli, et de Tsoultrim Tsomo, en l’an de la Serpente d’Eau (1893).

Quand j’avais sept ans, Jamgön Kongtrul parla au neveu de Jamyang Khyentsé Wangpo, l’omniscient Sitou Rinpoché, d’une prophétie selon laquelle j’étais l’émanation de l’activité de Khyentsé Wangpo, c’est-à-dire l’une des cinq émanations de ce grand maître.

Jamgön Kongtrul ajouta que, puisque Katok était un lieu d’activité, et que Jamyang Khyentsé Wangpo était lui-même l’émanation de l’activité de Langdro Lotsāwa, dont la dernière incarnation était le grand tertön Longsal Nyingpo du monastère de Katok, ils devraient s’occuper de moi là-bas.

J’ai donc suivi et observé les instructions de mon bon tuteur, Khenpo Thoubten Rigdzin Gyatso, au lieu de « retraite intermédiaire » de Katok, jusqu’à l’âge de douze ans. Il m’enseigna à écrire et à lire, entre autres choses, ce qui me permet aujourd’hui de me présenter sans gêne devant les gens.

Mes maîtres

Après le décès de mon tueur, je suis resté au collège tantrique du monastère de Katok pendant presque deux ans. J’y ai reçu des enseignements de la part de Khenpo Kunpal Rinpoché et d’autres khenpos sur la plupart des grands textes.

L’omniscient Katok Sitou Rinpoché, Adzom Droukpa Rinpoché, Shéchen Gyaltsab Rinpoché, l’omniscient Dodroupchen Rinpoché, le grand maître qu’était mon père, et d’autres encore, m’ont enseigné le Dharma de la tradition Nyingma.

De la part de Dorjé Chang Loter Wangpo, Jamgön Ngawang Lekpa, Khenpo Samten Lodrö, Thartsé Shabdroung Jampa Kunzang Tenpé Nyima, le seigneur des yogis Drakri Tashi Gyatso, et d’autres encore, j’ai reçu d’innombrables transmissions, issues principalement des profonds enseignements dharmiques des Sakyas.

En résumé : j’ai reçu des enseignements sur le Dharma de la part de plus de quatre-vingts enseignants, et bien que j’aie écouté maintes instructions profondes des traditions Nyingma et Sarma, je n’en ai pris aucune à cœur.

Mon installation à Dzongsar

Quand je résidais à Katok, je suis devenu le représentant du labrang pour les demandes d’aumônes (domtsap) et l’on m’a envoyé recueillir des offrandes au nom du seigneur Katok Sitou. Dans ma quatorzième année, je suis allé rester à Dzongsar, le siège de l’incarnation précédente, Jamyang Khyentsé Wangpo. À mesure que les aumônes d’été et d’hiver étaient recueillies, je me suis senti accablé par la responsabilité de cette incroyable quantité de nourriture offerte (kor), parce que la maturation des effets karmiques associés à l’utilisation des offrandes est très sérieuse.

Pratique

J’ai imité l’approche et l’accomplissement de pratiques nyingma et sarma, atteint le nombre prescrit de récitations, et effectué des retraites d’approches (nyenpa) pour plus de trente déités yidam. À ces occasions, jamais je ne me suis dit, « Voilà un signe d’accomplissement ! » En effet, ma dévotion et ma diligence étaient plutôt faibles.

Transmissions offertes

Pour ce qui est des transmissions de Dharma que j’ai pu offrir au fil du temps, j’ai transmis le Trésor des termas révélés (Rinchen terdzö) une fois ; l’Anthologie de sādhanas (Droubtap kountü) quatre fois ; les Instructions privées sur la Voie et le Fruit (Lamdré lobshé) quatre fois ; le Trésor des instructions (Damngak dzö) trois fois ; le Nyingma kama quatre ou cinq fois ; et la Lignée murmurée de Thangtong Gyalpo (Thangtong nyengyü) cinq fois.

J’ai donné plusieurs fois L’Essence du cœur du Mahāsiddha (Droupchen touktik), un terma de l’esprit révélé par Jamyang Khyentsé Wangpo, et d’autres transmissions similaires. J’ai aussi transmis à maintes reprises le Longchen nyingtik, Khachöma, le Nyingtik yabzhi et les Maṇḍalas de la tradition Ngor, entre autres, de même que les grandes initiations de Kālacakra selon la tradition Jonang et la lignée Shalou.

Construction et production

J’ai établi un nouveau collège (shédra) et un centre de retraite (droupdra).

À Katok, après le parinirvāṇa de Sitou Rinpoché, j’ai aidé les détenteurs du « trône d’enseignement » de Katok pendant quatorze ans.

Après le décès du noble seigneur, j’ai restauré les fondations du collège tantrique, qui s’étaient complètement érodées, pour ses quarante-deux khenpos et élèves. J’ai aussi construit un nouveau temple du Bouddha (le Grand Sage) et commandé des images et d’autres représentations éveillées pour le temple en question. Je ne me contentais pas de parler de ce genre de projets, mais j’y redirigeais les fonds considérables qui m’étaient offerts par dévotion.

À Dzongsar, j’ai fait de nombreuses représentations, comme la grande statue de Maitreya. J’ai publié les œuvres réunies de mon prédécesseur Jamyang Khyentsé Wangpo, après avoir déployé bien des efforts pour rassembler en treize volumes tous ses textes épars. J’ai aussi publié des commentaires sur les grands textes, trois volumes de la Petite anthologie des textes de Khachöma (Kachö bé’ou boum), et d’autres choses encore.

Maladie

À quarante-neuf ans, je suis tombé gravement malade, et cela dura quelques années. Vers cinquante-cinq ou cinquante-six ans, grâce à l’interdépendance favorable d’une compagne sur la voie secrète, et par le pouvoir des bénédictions de mon lama et des Trois Joyaux, j’ai retrouvé une partie de ma vitalité.

Dernières années de pèlerinage

Lors de ma soixante-troisième année, le vingt-troisième jour du sixième mois, j’ai quitté ma terre natale et je suis parti en pèlerinage dans la terre sainte de l’Inde et au Tibet. J’ai fait des offrandes de mes propres mains pour accomplir les accumulations. J’ai effectué des cérémonies de purification, des rituels de consécration, des pratiques d’accomplissement et, à ma satisfaction, j’ai répété des prières d’aspiration pour le bien des êtres du monde entier, et pour ceux du Tibet et du Kham en particulier. J’ai offert maintes transmissions aux détenteurs du précieux trône de Sakya, et à de nombreuses personnes responsables du grand monastère. J’ai aussi prié pour que, tandis que je suis en vie, je puisse accomplir mes aspirations pour le bien des enseignements et des êtres.

Namthar secret

Je n’ai pas eu de visions ni reçu de prophéties, et je n’ai toujours connu que des rêves et expériences illusoires, qui ne sont que des hallucinations et fabrications. C’est pourquoi j’ai oublié la plupart d’entre elles. J’en ai couché quelques-unes par écrit, mais il n’y a rien là de bien utile.

Une fois, après que je sois arrivé à Dzongsar – dans ma seizième année, je crois –, quelque chose de ce genre s’est produit. J’avais une grande foi dans le cycle de L’Essence du cœur du Mahāsiddha, de mon prédécesseur Jamyang Khyentsé Wangpo. Alors que j’invoquais le Mahāsiddha Thangtong Gyalpo, dans le coin où Jamyang Khyentsé Wangpo dormait jadis, le Mahāsiddha est carrément apparu, d’une hauteur d’environ une coudée. Il plaça une sphère de cristal devant lui et prononça les mots que Guru Rinpoché avait utilisés en offrant l’introduction à Jamyang Khyentsé Wangpo :

Non taché par les perceptions séduisantes,
Ni capturé par les pensées empreintes de saisie,
Et demeurant dans la présence éveillée, nue et vide :
C’est là l’esprit de tous les bouddhas.

De cette façon, il m’a présenté la nature de mon esprit. Ce rêve m’a aidé à remplir ma fonction, mais c’est tout.

En conclusion

Extérieurement, j’ai l’air d’un lama, tandis que le feu des cinq poisons fait rage à l’intérieur, et qu’au niveau le plus intime, je suis sous le joug des pensées et concepts. Ainsi va le namthar du vieux moine que je suis.

Ce supplément aux biographies des maîtres de la lignée de la Transmission murmurée de Thangtong Gyalpo fut écrit par Chökyi Lodrö, à l’insistance pressante de Khen Rinpoché Khéchok Ngawang Lodrö, de même qu’à la requête de Dar Khenchen.


| Traduit en français par Vincent Thibault (2025) sur la base de la traduction anglaise de Gyurme Avertin (2010, publiée sur Lotsawa House en 2016), qui remerciait Péwar Rinpoché pour son aide.


Bibliographie

Édition tibétaine

'Jam dbyangs chos kyi blo gros. "gsang spyod mkha' 'gro'i snyan brgyud kyi brgyud pa'i rnam thar kha skong/" in gsung 'bum/_'jam dbyangs chos kyi blo gros/ (dbu med/). BDRC W21813. 8 vols. Gangtok: Dzongsar Khyentse Labrang, 1981–1985. Vol. 6: 414–423.


Version : 1.0–20250226

Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

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