Éloge de Yéshé Tsogyal
Au bonheur de Sarasvatī
Éloge de Yéshé Tsogyal, la reine de l’espace et la plus éminente ḍākinī
par Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö
Namo jñāna-ḍākinyai !
Dans la vastitude de l’espace immaculé et sans caractéristiques,
Les cinq mères de la luminosité naturelle étant rassemblées,
Le pouvoir de la compassion de la bouddha-ḍākinī s’est activé
Et elle a déployé des millions et milliards d’émanations.
Entièrement au-delà des limites de l’unicité et de la pluralité,
Ces émanations sont apparues conformément aux divers besoins des êtres,
Amenant à maturité des océans de disciples dans des océans de domaines,
Comme l’activité des bodhisattvas à la fin du continuum[1].
Parmi [ces émanations], au frais pays des monts enneigés,
Comme la fille de Brahmā, la reine de l’éloquence,
Enlacée par Tamboura,
Tu es née dans la famille de Kharchen Drakda.
À ce moment-là, le roi des nāga a partiellement émergé
Des flots de la mer jusqu’à la surface de la terre,
Et a semblé s’engager dans une compétition
Avec l’arbre aux racines les plus imposantes.
Ton corps s’est épanoui avec tous les signes excellents,
Des yeux de biche, une luxuriante chevelure de jais,
Des membres souples et doux comme les branches d’un saule,
Une poitrine ronde et une taille des plus fines.
Le parfum du bois de santal blanc
Qui accompagne ton souffle a séduit les dieux et les hommes.
Ton heureux sourire de lotus a vénéré les vainqueurs,
Et même Mandāravā a reçu de toi une leçon d’humilité.
Tu es devenue l’épouse du souverain Lhayi Métok,
Et, signe d’aspirations de vajra qui ne s’étaient pas estompées,
Tu as été prise sous l’aile du grand maître de l’Oḍḍiyāna,
Recevant l’élixir du Dharma général et extraordinaire.
Enivrée en particulier par le nectar des profondes [pratiques] de génération et d’achèvement,
Tu as fait fondre les impuretés et raffiné les canaux, énergies et essences subtils,
Renforcé et fait s’épanouir les essences les plus claires, défait les nœuds dans les canaux,
Et atteint le sommet de toutes les qualités des voies et étapes.
Avec le lasso magique des moyens habiles et compatissants,
Tu ne t’es jamais lassée, et tu as secouru sans effort
Même ceux qui avaient sombré dans le feu des tourments insurpassables,
Puisque tu étais l’égale de la glorieuse bodhisattvī Tārā.
Ceux et celles qui te suivaient de près ont été libérés instantanément
Des crevasses des kleśas et du karma de l’existence conditionnée,
Et ils ont été menés à l’empire dharmique du corps d’arc-en-ciel.
Tu étais une guide et une enseignante suprême, une vraie bhagavatī !
Tu as compilé les profondes instructions orales de Guru Padma
Et les as miraculeusement mises à l’écrit.
Tu as caché d’innombrables types de trésors
Scellés par des mandats sacrés et accompagnés d’aspirations inépuisables.
Tu es devenue une vidyādharī maître de sa longévité,
Dont la véritable forme de vajra immortelle ne change pas.
Même partie pour Lumière de Lotus, ô noble mère, tu continues
De guider et de protéger ceux qui ont une bonne fortune karmique.
Noble dame Tsogyal, dont la bonté est impayable, prends soin de moi !
Je t’adresse aux six occasions des prières ferventes et mélodieuses ;
Aussi, ne t’éloigne pas, mais demeure toujours comme ma protectrice,
Et allume la puissante sagesse de la présence éveillée et de la vacuité.
Depuis le vase excellent et précieux de la vie immortelle,
Fais couler sur ma tête l’excellent nectar d’immortalité,
Afin que tout soit excellent et de bon augure
Et que je puisse atteindre la forme de vajra invincible, immortelle.
Puissions-nous apprécier librement les trésors précieux et abondants de Padma ;
Puissent le monde entier voir se diffuser les enseignements suprêmes de Padma ;
Puissions-nous toujours être accompagnés par les alliés et supporteurs de Padma ;
Et puissent tous les adversaires de Padma être totalement vaincus !
Chökyi Lodrö a écrit cette louange en un jour de bon augure, le vingt-deuxième du troisième mois.
| Traduit en français par Vincent Thibault (2024) sur la base de la traduction anglaise d’Adam Pearcey (2022), qui remerciait la Khyentse Foundation et le Terton Sogyal Trust pour leur généreux soutien.
Bibliographie
Édition tibétaine
’Jam dbyangs chos kyi blo gros. "dbyings phyugs [sic] DA ki’i gtso mo ye shes mtsho rgyal la bstod pa dbyangs can dgyes rol/" in ’Jam dbyangs chos kyi blo gros kyi gsung 'bum. 12 vols. Bir, H.P.: Khyentse Labrang, 2012. (BDRC W1KG12986). Vol. 2: 547–549.
Version : 1.0-20240917
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À la fin du continuum d’un être ; autrement dit, au plus haut stade de développement spirituel. ↩