La façon dont notre suprême enseignant a généré la bodhicitta
La façon dont notre suprême enseignant a généré la bodhicitta, accompagnée de notes diverses[1]
par Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö
Le sutra intitulé Rendre la bonté du Bouddha expert en moyens habiles[2] raconte ceci à propos de notre suprême et compatissant enseignant. Dans la nuit des temps – à une époque reculée de l’histoire sans commencement –, alors qu’il était une personne ordinaire assujettie à toutes les contraintes, le poids de son karma le fit tomber dans un domaine infernal appelé « Charrettes ardentes ». Là, il devint un homme fort qui devait tirer, avec un partenaire, un chariot contenant Abang Tête-de-Taureau[3], un gardien des enfers. À un moment, voyant son compagnon d’infortune à bout de forces, il dit à Abang, « Ayez un peu de compassion pour lui ! » Cela fit enrager le bourreau, qui le frappa au cou avec un trident de fer. Notre homme en mourut, mais la négativité accumulée pendant une centaine de kalpas en fut purifiée, et il fut libéré [des enfers].
Longtemps après, il devint le fils d’un potier appelé Bhāskara[4] au sud de Jambudvīpa. Il ressentit alors une si grande dévotion envers le bouddha Mahāśākyamuni qu’il lui offrit une portion de soupe et cinq cauris, et exprima l’aspiration qui commence par « Ô sugata, puissions-nous, moi et les autres, obtenir une forme…[5] ». C’est ainsi qu’il orienta son esprit vers l’éveil suprême. Le sūtra intitulé Le bon kalpa[6] dit :
Dans une vie antérieure, alors que j’avais un statut inférieur,
J’ai offert un peu de soupe au tathāgata Śākyamuni
Et j’ai pour la première fois orienté mon esprit vers l’éveil suprême.
C’est ainsi qu’il a pour la première fois engendré la bodhicitta. Ensuite, pour ce qui est des accumulations, le véhicule fondamental considère que le premier kalpa incalculable s’est étalé entre l’époque de Mahāśākyamuni (alors que le futur bouddha était fils de potier) et celle du tathāgata Rāṣṭrapāla[7]. Durant cette période, il vénéra soixante-quinze mille [bouddhas]. Pendant le second kalpa incalculable, à partir du temps où il fut le fils d’un brahmane qui offrit sept fleurs d’utpala bleues à Dīpaṃkara jusqu’à l’époque du sugata Indradhvaja, il vénéra soixante-seize mille [bouddhas]. Au cours du troisième kalpa incalculable, allant de l’époque où il fut un roi qui fit des offrandes au sugata Kṣemaṅkara et construisit un stūpa pour ses reliques jusqu’à l’époque où il devint renonçant et généra la bodhicitta devant le bouddha Kāśyapa, on dit qu’il vénéra et réjouit soixante-dix-sept mille [bouddhas].
Selon le Trésor[8], le premier kalpa incalculable a duré depuis l’époque de Śākyamuni jusqu’à celle de Ratnaśikhī ; le second, jusqu’à Dīpaṃkara ; et le troisième, jusqu’à Vipaśvin. Alors, le Bouddha a passé cent kalpas à créer les causes des excellents signes physiques. Quand il était fils de brahmane, il se tint sur une jambe devant le bouddha Puṣya, qui était absorbé en stabilité méditative sur l’élément du feu, et tourna respectueusement autour de lui pendant sept jours. Il offrit des louanges avec les vers qui commencent par « Guide des êtres, nul autre…[9] ». Il réunit ainsi l’équivalent de neuf kalpas d’accumulations. Puis, quatre-vingt-onze kalpas plus tard, [le futur bouddha], alors fils de brahmane, prit pour guru le bouddha Kāśyapa. Une fois qu’il eut ainsi généré les causes des signes physiques, il devint ce qu’on appelle un bodhisattva d’un statut certain. Ayant parfait les causes des excellents signes physiques, il naquit sur Tuṣita en tant que Śvetaketu, un bodhisattva qui « n’est plus qu’à une vie [de l’éveil] ». Après quoi, il devint Siddhārtha sur Jambudvīpa, en tant que bodhisattva qui en est à sa dernière naissance [sur la voie]. Avec ce support physique, au crépuscule il dompta Māra sur le siège adamantin, à minuit il entra en méditation, et à l’aube il actualisa le samādhi semblable au vajra. Selon la tradition du Mahāyāna, le premier kalpa incalculable correspond à la première bhūmi, celle de la conduite des aspirants ; le second kalpa incalculable correspond aux bhūmi deux à sept ; et le troisième kalpa incalculable correspond aux étapes restantes, incluant la dixième bhūmi.
Le Grand commentaire sur les Huit mille śloka[10] définit pour sa part trente-trois kalpas incalculables.
Pour ce qui est du commencement de ces incalculables kalpas, le Compendium du grand véhicule[11] dit :
Possédant la force de l’excellence et de l’aspiration,
Doté d’un esprit stable et faisant des progrès exceptionnels,
Le bodhisattva entame le processus
Qui dure trois kalpas incalculables.
Quand ces quatre facteurs sont réunis au début de la voie de l’accumulation, il est dit que c’est à ce moment que commencent les kalpas en question. Alors, en tant que prince Vīryakārin, fils du roi Vijaya, [le futur Bouddha] reçut les enseignements du tathāgata Arciskandha ; et en vénérant ce bouddha et sa suite pendant six cent soixante millions d’années, il atteignit la première bhūmi. Quant au deuxième kalpa incalculable : au temps du roi Magnifique Apparence[12] à Ville Dorée, l’enseignant était le marchand Prajñābhadra. Pendant mille ans, il vénéra le tathāgata Ratnāṅga dont il reçut l’enseignement. Procédant ainsi aux accumulations, il parvint à la septième bhūmi. Au cours du troisième kalpa incalculable, il fut Kumāramegha, élève d’un brahmane dans les environs du Palais aux Lotus du roi Jitāri. Il offrit alors cinq fleurs d’utpala au sugata Dīpaṃkara, étala ses cheveux dorés tel un tapis sur le sol, et dit, « Si vous ne m’accordez pas une prophétie [concernant mon éveil à venir], je vais m’émacier. » Le tathāgata le savait ; et, posant ses pieds sur les cheveux, il émit une prophétie : « Dans le futur, tu deviendras le bouddha appelé Śākyamuni. » Sur ce, le futur Bouddha fut au comble de la joie et lévita à une hauteur de sept palmiers. Il actualisa des centaines de milliards de samādhis et atteignit la huitième bhūmi.
Il prit ensuite de nombreuses autres naissances, œuvrant toujours au bien des êtres. Ainsi fut-il appelé Śakra, Sunetra et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’enfin, à l’époque du bouddha Kāśyapa, alors que la durée de vie humaine était de vingt mille ans, il fut fils de brahmane. Il servit de nombreux bouddhas, continua les accumulations pendant un kalpa incalculable, et actualisa ainsi la dixième bhūmi. Grâce au samādhi semblable au vajra, à la fin du continuum de la dixième bhūmi, il élimina totalement les obscurcissements et les tendances qui s’y rattachent, sans qu’il y ait la moindre possibilité qu’ils reviennent – c’est là l’élimination parfaite. Il acquit aussi la sagesse qui connaît la nature des phénomènes et les phénomènes eux-mêmes dans toute leur multiplicité – c’est la réalisation parfaite. Ainsi parvint-il au grand éveil indissociable des trois kāyas : le sambhogakāya, bienfait suprême pour soi ; le nirmāṇakāya, bienfait suprême pour autrui ; le dharmakāya, qui sert de base aux deux autres. La nature de ces trois kāyas, ou la réalisation du dharmadhātu dont la double pureté est inséparable des qualités immaculées, c’est le svabhāvikakāya. Comme le dit L’Ornement de la réalisation parfaite :
Le svabhāvikakāya du Sage
Partage la nature et le caractère
De tous les aspects de la pureté intégrale
Quand sont acquises les qualités immaculées[13].
Et concernant celui dont les marques majeures et mineures resplendissent dans le grand Akaniṣṭha :
Comme celui qui est doté des trente-deux signes
Et des quatre-vingts marques mineures
Jouit du Mahāyāna,
On parle du corps de jouissance du Sage (sambhogakāya)[14].
Concernant son activité ininterrompue pour le bien de l’infinité des êtres qui ont besoin d’être guidés :
Le kāya qui procure des bienfaits aux êtres
En toute impartialité et de diverses façons
Pour toute la durée de l’existence :
C’est le perpétuel nirmāṇakāya du Sage[15].
Ainsi, l’enseignant suprême, le Seigneur des Sages, accomplit ce qu’on considère comme ses douze actes les plus importants en ce monde. Dans l’Uttaratantra, on lit :
[Étant d’abord né sur un plan divin],
Il quitte la terre de Tuṣita,
Entre dans le ventre de la mère
Et prend naissance.
Il maîtrise les disciplines artistiques,
Savoure la compagnie des reines,
Renonce au palais,
Pratique des austérités,
Se rend au siège de l’éveil,
Conquiert les forces de Māra,
S’éveille parfaitement,
Tourne la roue du Dharma,
Et passe au-delà de la souffrance.
Il accomplit ces actes
Dans tous les domaines totalement impurs,
Et ce, tant qu’il y aura des êtres[16].
Le premier tour de Roue du Dharma eut lieu à Vārāṇasī. Le second, dit intermédiaire, eut lieu au Pic des Vautours. Le dernier tour prit place à Śrāvastī et ailleurs. L’Exposé de l’intention[17] suggère que ces tours se sont produits simultanément :
L’unique et captivante parole adamantine,
Qui est non conceptuelle et dépourvue d’erreur,
Prend différentes formes
Selon les dispositions des disciples.
Le premier concile se tint dans la grotte de Nyagrodha, considérée comme étant suffisamment en retrait. Le deuxième concile fut convoqué quand les moines de Vaiśālī s’adonnaient à dix transgressions fondamentales. Aśoka joua alors le rôle de mécène pour l’arhat Yaśas[18] au temple de Kaśmipuri[19] à Vaiśālī. Sept cents arhats se réunirent, condamnèrent les dix transgressions et compilèrent les enseignements. Le troisième concile se tint au monastère de Kusana, au Cachemire, sous le patronage du roi Kaniṣka de Jālandhara. L’arhat aîné appelé Siṃha[20] réunit cinq cents arhats incluant Purnika, cinq cents bodhisattvas incluant Vasumitra, et cinq cents paṇḍitas ordinaires. Ensemble, ils officialisèrent les dix-huit écoles et compilèrent les enseignements.
Indivisible, sans début, milieu ni fin,
Non duelle, au-delà des trois, immaculée et non conceptuelle,
La nature du dharmadhātu, qui est vide,
Est vue par le yogin en équilibre méditatif.
Il n’est personne en ce monde qui soit plus érudit que le Vainqueur,
Et la plus haute réalité ne peut pleinement s’appréhender que par l’omniscience.
Donc, n’altérez[21] pas les sūtras que le Ṛṣi a lui-même énoncés.
Cela ternirait la tradition du Sage et nuirait au sain Dharma.
Les cinq disciples de la première suite furent Ājñātakauṇḍinya[22], Aśvajit[23], Bhadrika[24], Vāṣpa[25] et Mahānāman[26].
| Traduit en français par Vincent Thibault (2023) sur la base de la version anglaise d’Adam Pearcey (2021), qui remerciait la Khyentse Foundation et le Terton Sogyal Trust.
Bibliographie
Édition tibétaine
'Jam dbyangs chos kyi blo gros, "bdag cag gi ston mchog thugs rje can 'di drin lan bsab pa'i mdor gsung tshul/" in 'Jam dbyangs chos kyi blo gros kyi gsung 'bum. 12 vols. Bir: Khyentse Labrang, 2012. W1KG12986 Vol. 9: 65–72.
Sources secondaires
Bu ston rin chen grub. bde gshegs bstan pa'i gsal byed chos kyi 'byung gnas. BDRC W1923. 1 vol. Beijing: krung go bod kyi shes rig dpe skrun khang, 1988.
Butön Rinchen Drup. Butön's History of Buddhism in India and Its Spread to Tibet: A Treasury of Priceless Scripture. Trans. Lisa Stein and Ngawang Zangpo. Boston, MA: Snow Lion Publications, 2013.
Kunzang Pelden. The Nectar of Manjushri’s Speech. Trans. Padmakara Translation Group. Boston, MA : Shambhala, 2007. Version française : Perles d’ambroisie (coffret de trois volumes), traduit du tibétain par le Comité de traduction Padmakara, Éditions Padmakara, 2007.
Jamgön Kongtrul Lodrö Tayé. The Treasury of Knowledge Books Two, Three and Four: Buddhism’s Journey to Tibet. Trans. Ngawang Zangpo. Ithaca, NY: Snow Lion Publications, 2010.
Tshul khrims rin chen. "sde dge'i bstan 'gyur dkar chag gtam ngo mtshar chu gter 'phel ba'i zla ba gsar pa/" in gsung 'bum/_tshul khrims rin chen/. 11 vols. Kathmandu, Nepal: Sachen International, Guru Lama, 2005. Vol. 11 : 1–1351
Version : 1.0-20231220
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Le texte original ne comporte pas de titre ; celui-ci fut ajouté par le traducteur. ↩
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thabs mkhas pa chen po sangs rgyas drin lan bsab pa'i mdo (Toh 353). ↩
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a wa glang mgo, en tibétain. Dans plusieurs sources chinoises, ce nom est orthographié 阿傍 (d’où l’épellation Abang, retenue ici), même si l’on trouve un wa dans le présent texte et un ba dans d’autres sources tibétaines. ↩
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snang byed, en tibétain. Le Padmakara Translation Group l’a traduit par Abhakara. ↩
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La suite de cette célèbre prière va comme suit : « Obtenir un corps, une suite, une longévité, une terre pure/Et de sublimes marques de perfection/Identiques aux tiens. » ↩
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Bhadrakalpika (Toh 94). Le Dharmachakra Translation Committee a publié une traduction anglaise de ce sūtra : https://read.84000.co/translation/toh94.html. ↩
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yul 'khor skyong, en tibétain. ↩
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C’est-à-dire Le Trésor de l’Abhidharma (Abhidharmakośa) de Vasubandhu. ↩
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La suite va comme suit : « [nul autre] pratiquant spirituel n’a votre grandeur dans tous les domaines des dieux./On n’en trouve pas non plus en ce monde, ni même dans le royaume de Vaiśravaṇa./Dans les plus hautes sphères ? Dans les palais des dieux ? Non plus. On n’en trouve dans aucune direction, principale ou intermédiaire./Sur toute la surface de la terre, incluant ses montagnes et forêts, où pourrait-on jamais trouver de tels pratiquants spirituels ? » ↩
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Abhisamayālaṅkārāloka de Haribhadra (Toh 3791). ↩
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Mahāyānasaṃgraha d’Asaṅga (Toh 4048). ↩
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mdzes snang, en tibétain. ↩
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Abhisamayālaṃkāra, VIII, 1. ↩
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Abhisamayālaṃkāra, VIII, 12. ↩
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Abhisamayālaṃkāra, VIII, 33. ↩
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Uttaratantra, II, 54–56. Voir Arya Maitreya, Buddha Nature: The Mahayana Uttaratantra Shastra with Commentary, traduit par Rosemarie Fuchs, Boulder : Snow Lion, 2000, p. 50. ↩
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dgongs pa lung ston. ↩
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Précision de Philippe Cornu : « Le roi du Magadha, Kālāśoka (à ne pas confondre avec l’empereur Aśoka) ou Nandin, subvint aux besoins des 700 moines réunis pour le concile. » (Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Seuil, 2001, article « concile de Vaiśālī », p. 140) ↩
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Dans d’autres sources, dont l’Histoire de Butön, ce nom est orthographié « Kusmapuri ». ↩
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seng ge, en tibétain. Nous n’avons pas trouvé d’autres sources attestant ce nom. ↩
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dkrugs, en tibétain. Ce terme peut signifier troubler, déranger, mélanger, agiter. ↩
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kun shes kau Di N+ya, en tibétain. ↩
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rta thul, en tibétain. ↩
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bzang ldan, en tibétain. ↩
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rlangs pa, en tibétain. ↩
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ming chen, en tibétain. ↩