Les rites d’offrandes à Guésar
À propos des rites d’offrandes au Grand Lion Guésar
par Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö
Ce qui suit concerne le Roi Guésar, grand seigneur léonin et puissant esprit guerrier (dgra lha) de ce monde.
Le Filet illusoire de Mañjuśrī dit :
Avec ton épée de sagesse, ton arc et tes flèches,
Tu combats et vaincs les afflictions et l’ignorance,
Brave guerrier qui soumet les ennemis et les forces démoniaques.
On voit ici que c’est le vénérable héros Mañjuśrī qui se manifeste sous l’aspect d’un grand esprit guerrier en exerçant par tous les moyens appropriés son activité éveillée d’apprivoisement, de la même façon que le bodhisattva Bahouratna est apparu comme le chef des yakṣas et que le tathāgata s’est manifesté comme un joueur de vīṇā pour apprivoiser le gandharva Pramoudita. Il y a ainsi d’infinies manifestations de bouddhas et bodhisattvas. Ici, plus précisément, si les démons du Hor n’avaient été vaincus, ils auraient mis en péril la sécurité et l’épanouissement des enseignements et des êtres, et c’est pourquoi Guésar a totalement éradiqué ces forces hostiles.
Les signes comme quoi Guésar était une émanation incluent les empreintes laissées par son cheval Kyangbou, entre autres signes miraculeux universellement reconnus et toujours évidents dans le grand royaume du Nord et ailleurs.
Pour dire les choses simplement, Guésar est une manifestation de Mañjuśrī ; un messager de Padmasambhava ; une émanation ressemblant à une danse de l’activité du roi du Dharma Tri Song[detsen] ; un grand vidyādhara qui a atteint l’immortalité en tant que disciple direct de Lang Ami Changchoub Dreköl[1]; un esprit guerrier pour l’ensemble de Jambudvīpa ; un refuge et un protecteur pour tous les pratiquants qui est extérieurement puissant et intérieurement bienveillant ; le gardien des richesses de la Chine et du Tibet ; et le grand fléau des envahisseurs et des armées étrangères.
Il est dit que c’est maintenant le temps de son activité éveillée, comme l’ont enseigné le tertön Lharik Déchen Rolpa Tsal[2], le glorieux hérouka [Do] Khyentsé Yéshé Dorjé, Mipham Jampal Gyépa et d’autres encore. Cela est également exprimé dans de nombreux sādhanas, rites d’offrandes et autres textes de ce genre apparus comme des trésors [relevant] de l’intention éveillée. Il y a aussi d’autres rites d’offrandes composés par le seigneur du monde, le quatorzième Karmapa, de même que par Jamyang Khyentsé Wangpo, Kongtrul Yönten Gyatso et d’autres [maîtres]. La lecture de tels ouvrages permettra d’acquérir au moins une compréhension partielle du rôle libérateur de ce grand être.
En bref, il ne fait aucun doute que Guésar est une émanation de sagesse du vénérable héros Mañjuśrī – nous pouvons avoir à cet égard une certitude absolue et inaliénable.
Par Chökyi Lodrö.
| Traduit en français par Vincent Thibault (2024) sur la base de la traduction anglaise d’Adam Pearcey (2020) qui remerciait la Khyentse Foundation et le Tertön Sogyal Trust.
Bibliographie
Édition tibétaine
'Jam dbyangs chos kyi blo gros. "sku rje seng chen rgyal po'i gsol mchod la dpyad pa/" in ’Jam dbyangs chos kyi blo gros kyi gsung ’bum. 12 vols. Bir: Khyentse Labrang, 2012. W1KG12986 Vol. 12: 157–158
Sources secondaires
Dilgo Khyentse, Lion of Speech: The Life of Mipham Rinpoche. Translated by Padmakara Translation Group. Boulder, CO: Shambhala Publications, 2020. Version française : Lion de la Parole, traduit par le Comité de traduction Padmakara, Éditions Padmakara, Plazac, 2019.
Forgues, Gregory. "Who Is Gesar? A Textual and Genealogical Investigation of Gesar Rituals and Practices." In The Many Faces of King Gesar: Tibetan and Central Asian Studies in Homage to Rolf A. Stein, ed. Matthew T. Kapstein & Charles Ramble, 199–215. Leiden & Boston: Brill, 2022.
Version : 1.0-20240403
-
rlangs a mi (ou a myes) byang chub 'dre bkol. Ses dates seraient les suivantes : 968–1076. ↩
-
Selon Gregory Forgues, Lharik Déchen Rolpa Tsal serait Lha Ganden Tashi Tséring Palbar (lha dga' ldan bkra shis tshe ring dpal 'bar), un contemporain de Shabkar Tsokdrouk Rangdrol (zhabs dkar tshogs drug rang grol, 1781–1851). Voir Forgues, "Who Is Gesar? A Textual and Genealogical Investigation of Gesar Rituals and Practices", pages 207–208. Notons cependant que Dilgo Khyentsé Rinpoché place ce personnage beaucoup plus tôt, au dix-septième siècle. Voir Dilgo Khyentsé Rinpoché, Lion de la parole (Padmakara, 2019), page 63, note 36 : « Un tertön né à Dagpo Lhargya Ri qui était l’incarnation immédiatement précédente de Minling Terchen Gyalsé Rinchen Namgyal [1694–1758]. » ↩